Découvrez ISTANBUL : Gastronomie
À son heure de gloire, à la fin du XVIIe siècle, l’Empire ottoman s’étendait du Maghreb jusqu’à la mer Caspienne et de l’Europe centrale jusqu’au sud de la mer Rouge. Brassant une population de plusieurs millions de sujets aux cultures totalement différentes, cet immense territoire a absorbé un nombre incalculable de traditions culinaires à la fois arabes, grecques, slaves, perses ou encore ouzbèkes. Bien que savoureuse, la cuisine turque rechigne à recourir aux sauces sophistiquées et aux épices trop abondantes afin de préserver la saveur naturelle des aliments. Si tout le monde connaît les kebabs ou le baklava, la gastronomie turque a bien plus à offrir en commençant par les mezze, parfaits pour entamer un repas en grande pompe. Mais Istanbul se déguste aussi dans les bazars, regorgeant de produits succulents, issus du métissage heureux entre des traditions culinaires nomades et des apports plus raffinés introduits par les chefs cuisiniers des sultans ottomans.
L’art des mezze
Comme les tapas en Espagne ou les antipasti en Italie, les mezze sont l’un des piliers de la cuisine turque. Ils se présentent sous la forme d’un assortiment de petits plats variés, froids ou chauds, où le salé, le sucré et le pimenté se mêlent délicieusement. Ils sont servis au début d’un repas en entrée ou en hors-d’œuvre et forment même un repas complet quelquefois. Le mot mezze vient de l’arabe et est également un élément majeur de la cuisine du Levant (Liban, Syrie, Palestine), et il se retrouve aussi en Grèce, en Arménie et dans certains pays des Balkans. Cet apéritif, parfois dînatoire, est traditionnellement servi sur un sini, sorte de grand plateau rond en laiton ou en cuivre, placé sur une table basse. Verres, serviettes, couverts sont placés directement dessus.
Parmi les plats froids, on retrouve le cacık (du yaourt au concombre et à l’ail), le yaprak dolması (feuilles de vigne farcies de riz), le pastırma (viande de bœuf séchée), le beyaz peynir (un fromage proche de la feta), l’ezme (émincée de tomate avec concombre et oignon), l’acuka (crème de noix au piment), le patlıcan ezmesi (caviar d’aubergine), les fasülye pilaki (haricots blancs en sauce tomate), le kısır (salade de boulgour à la tomate et à la grenade), la sucuk (saucisse d’agneau pimentée) ou encore la şakşuka (salade d’aubergines et de poivrons cuits à la tomate). Il existe d’autres ingrédients plus basiques comme les olives tout simplement qui sont très appréciées, ou alors les légumes marinés (concombre, carotte, betterave, etc.) qui portent le nom générique de turşu.
Les mezze peuvent être servis chauds, comme les incontournables midye dolma (moules farcies au riz épicé), souvent considérées comme un des en-cas de rue les plus communs d’Istanbul. Mais également les hamsi tava (anchois frits), kalamar tava (calamars frits), l’arnavut ciğeri (foie de veau aux oignons) ou encore le börek (chausson en pâte phyllo garni de viande, de fromage frais, d’épinards ou de poireaux). À noter d’ailleurs que beaucoup de mezze cités ici possèdent leur équivalent en Grèce ou dans le monde arabe sous un nom différent. Bien que l’islam ne cautionne pas la consommation d’alcool, les Turcs sont souvent plus souples concernant ce point, et les mezze sont couramment dégustés avec du rakı. Cette eau-de-vie de raisin parfumée à l’anis titre à 45°. Comme l’ouzo grec ou le pastis, elle est diluée dans de l’eau qu’elle rend laiteuse. À servir glacé.
Les essentiels de la cuisine turque
Après un copieux plateau de mezze, il est temps de passer au plat principal. En réalité, en Turquie comme dans d’autres pays du Proche-Orient, le concept « entrée-plat-dessert » n’est pas aussi rigide qu’en France. Souvent, mezze, grillades et soupes sont présentés à table au même moment. Cependant, en l’absence d’amuse-bouches, on peut considérer que les soupes constituent une entrée en matière très populaire. En effet, la Turquie est un pays très montagneux et des villes comme Istanbul ou Ankara peuvent subir des hivers particulièrement froids. On retrouve par exemple l’ezo gelin çorbası ou « soupe de la mariée », servie donc pour les grandes occasions à base de lentilles corail et de boulgour. L’işkembe (soupe aux tripes) aurait la réputation d’être la panacée pour les lendemains de fête douloureux. Elle est préparée dans des restaurants spécialisés qui restent ouverts toute la nuit, pour remettre les fêtards sur pied.
En Turquie, le mouton et l’agneau sont les viandes les plus populaires, suivies par le bœuf, puis le poulet. Pour rentrer dans le vif du sujet, le choix de kebabs (kebap en turc) à Istanbul peut être déconcertant et souvent ils ne ressemblent en rien à ce que l’on consomme en France, où l’on connaît seulement ce que les Turcs appellent le « döner kebap » servi dans des pains plats avec tomate, oignons et sauce au yaourt. Le şiş kebap par exemple est une brochette de cubes de viande marinés (kuzu/agneau, dana/bœuf ou tavuk/poulet) alors que l’adana kebap, très épicé, se présente sous la forme de brochette de viande hachée. Le très impressionnant vali kebabi est une énorme assiette de grillades mixtes : poulet, bœuf, mouton, légumes. Plus surprenant, le kokoreç est un kebab de tripes finement émincées. Enfin, le köfte est également un terme générique pour décrire des recettes de boulettes de viande, souvent grillées, mais pas uniquement, comme avec les sulu köfte, cuites dans une sauce tomate au poivron ou les içli köfte, où la viande est couverte d’une pâte de boulgour avant d’être frite. Enfin, les mantı, sortes de raviolis farcis à la viande, se mangent généreusement arrosés de yaourt à l’ail et d’un filet de beurre fondu au paprika. Ce mets constitue le déjeuner dominical.
Istanbul s’étendant majestueusement sur les deux rives du Bosphore, entre mer Noire et mer Méditerranée, il est donc impensable de ne pas goûter les nombreux plats de poissons et de fruits de mer que propose la ville. Le balık iskender par exemple est un poisson grillé et émietté, servi sur un pain plat avec une sauce au yaourt et une purée de tomate épicée. Le karides güveç est un plat de crevettes mijotées dans une sauce tomate aux oignons, gratiné avec du kaşar, une variété de fromage turc. Beaucoup de préparations de poissons ou de fruits de mer cependant ne possèdent pas de noms spécifiques, mais sont exécutées avec divers types de cuisson (tava/frit ou izgara/grillé...).
Avec son climat très varié, la Turquie produit une grande variété de légumes qui sont préparés à toutes les sauces. L’aubergine est très appréciée. On la retrouve en purée chaude accompagnée de morceaux de veau (hünkar beğendi), frite et nappée de yaourt (patlıcan tava) ou bien encore farcie (karnıyarık). Le biber dolmasi est une recette de poivron farci de riz et de viande. Le mücver se présente sous la forme de petites croquettes de courgette râpée servies avec une sauce au yaourt. Épinards, carotte, betterave, courge et autre chou sont également très consommés.
Vins, thé et autres douceurs
Côté boissons, il est intéressant de noter que la Turquie produit de nombreux vins de qualité, bien qu’ils soient plus chers qu’en France en moyenne. Diverses localités turques produisent de bons vins, comme Niğde, Nevşehir, Gaziantep, Elazığ, Tokat, Çanakkale, Tekirdağ, Izmir, Bozcaada et Manisa. La bière, dont la plus connue est la Efes Pilsen – brune ou blonde –, est également très populaire. L’ayran est une boisson rafraîchissante composée d’un mélange de yaourt, d’eau et de sel. Les Turcs le consomment à table ou pour se désaltérer durant les fortes chaleurs. Plus consistant, le boza est vendu traditionnellement en hiver. C’est une boisson épaisse et fermentée à base de millet qui se déguste rehaussée d’une pincée de cannelle. Le sahlep, une délicate boisson chaude à base de lait et de poudre de sahlep, est confectionné à base d’une racine d’orchidée. Bien qu’il soit originaire de Chine, ce sont les Turcs qui sont les plus gros consommateurs de thé au monde avec plus de 3 kg/an par habitant. Cultivé seulement depuis le début du XXe siècle au bord de la mer Noire vers la province de Rize, le thé, appelé « çayı » (prononcé « tchaï »), ponctue la journée de tous les Turcs. Le thé se prépare selon le principe du samovar (l’eau en bas dans une bouilloire et le thé en haut dans une théière), puis on le sert dans de petits verres en forme de tulipe. Même si la Turquie ne cultive pas de café, on pense que les Turcs ont été les premiers à l’introduire en Europe. D’où l’appellation « café turc », bien qu’il soit également appelé café grec de l’autre côté de la mer Égée. Il est préparé selon la recette traditionnelle : sade (sans sucre), orta (moyennement sucré) ou encore şekerli (très sucré), ce qui devra être précisé à la commande. Un verre d’eau est souvent apporté avec le café, à boire avant, pour préparer le palais à la dégustation. Après consommation, la tradition veut qu’on retourne la tasse dans la soucoupe pour lire l’avenir dans le marc.
Entre thé et café, il est impossible d’oublier les desserts, tant Istanbul offre de possibilités aux becs sucrés de se régaler. Le baklava est sans doute le plus connu de tous. Bien qu’on le déguste des Balkans jusqu’en Asie centrale c’est en Turquie – et en Grèce – que ce dessert multicouche en pâte phyllo exprime toute sa diversité. Il peut être garni de noix, pistaches, amandes, noisettes, parfois un mélange des quatre, parfumé de cannelle et imbibé de sirop à l’eau de rose ou à la fleur d’oranger. Les bülbül yuvası, dont le nom pourrait être traduit par « nid de rossignol », sont des anneaux de pâte phyllo, nappés de sirop et garnis de fruits secs. Le sütlaç est un riz au lait crémeux parfumé à la cannelle. Plus étonnant, le künefe, d’origine arabe, présente deux couches de cheveux d’anges fourrées de fromage fondant proche de la mozzarella, le tout saupoudré de pistaches hachées. Le ayva tatlısı est l’équivalent turc de la poire Belle-Hélène, mais préparé avec des coings et nappé de kaymac, un fromage frais très gras proche du mascarpone. Le tulumba ressemblerait presque à nos churros, mais ils sont imbibés de sirop et dégustés à température ambiante. Le halva consommé en Turquie – malgré son nom – est très différent du halva indien à base de semoule. À Istanbul la recette ressemblerait plus à une confiserie dense proche d’un nougat parfumé à la crème de sésame (tahini) et garnie de pistaches, d’amandes ou encore de miel. Impossible non plus de passer à côté du célèbre loukoum. Bien que cette sucrerie soit extrêmement ancienne, la version moderne date du début du XIXe siècle, grâce à Hacı Bekir dont la recette plut tellement qu’il fut nommé confiseur en chef à la cour du sultan Mahmoud II. L’utilisation d’amidon donne au loukoum sa texture élastique. Souvent parfumés à l’eau de rose, à la bergamote ou au citron, ils sont parfois garnis de fruits secs.
Une savoureuse promenade au bazar
Si le Grand Bazar d’Istanbul, dont les premières traces remontent à 1455, est plutôt spécialisé dans l’artisanat – bijoux, tapis, textiles, mosaïques, etc. – les épicuriens ne peuvent rater sous aucun prétexte le Bazar aux épices ou Marché égyptien (en turc Mısır Çarşısı) situé dans le quartier d’Eminönü, tout près de la Mosquée neuve ou Yeni Cami. Fondé en 1663, c’est le deuxième marché couvert d’Istanbul. À l’époque, la plupart des produits exotiques venant de Chine, d’Inde ou d’Asie du Sud-Est, transitaient vers l’Empire ottoman via la mer Rouge et la mer Méditerranée, faisant donc escale en Égypte, d’où son surprenant toponyme. Istanbul servait jusqu’alors de plaque tournante du commerce des épices en Occident, avant le développement des flottes marchandes européennes en Asie à la fin du XVIIe siècle.
Les arômes enivrants de cannelle, de paprika, de cumin, de cardamome, de safran, de menthe, de thym et de toutes les autres herbes et épices imaginables remplissent l’air, même avant l’entrée sur le marché. Le Bazar aux épices fourmille de clients, de commerçants et de porteurs qui naviguent au milieu d’une gamme vertigineuse de couleurs et d’arômes. Visiter le Misir Çarsisi, ce n’est pas simplement un moyen de satisfaire l’envie du touriste pour l’exotisme, c’est aussi l’occasion de vraiment voir et de vivre la vie commerciale traditionnelle d’Istanbul. Le bazar est en forme de « L » et a six portes. Les épices et les graines sont entassées en grands tas coniques dans d’immenses sacs en tissu, tandis que des chaînes de gombos séchés, de poivrons et d’aubergines pendent au-dessus des têtes.
En plus des produits frais, le marché abrite les boulangers à l’œuvre qui préparent des fournées de pains comme le simit (anneau aux graines de sésame), l’ekmek (boule de pain blanc) ou le pide (pain plat). Par extension, le terme pide désigne un long pain plat fourré de viande hachée, de fromage et de tomate. Car visiter le bazar est aussi une bonne occasion de s’essayer à la cuisine de rue. Le lahmacun, originaire de la région d’Adana, est l’équivalent d’une fine pizza italienne garnie de viande hachée, puis parsemée de tomate et d’oignon, et roulée et mangée sur le pouce. Le balık ekmek, également un en-cas populaire, se présente sous la forme d’un petit pain rempli de poisson frit et de légumes. Si vous avez le temps de vous attarder, déjeunez au restaurant Pandeli avec ses intérieurs décorés de tuiles bleues. La vue sur la Corne d’Or depuis les fenêtres, les appels à la prière des mosquées voisines et les odeurs du Bazar aux épices à l’extérieur rendent l’atmosphère ici presque magique. Près de 70 plats différents agrémentent le menu.
Et pour ceux qui désireraient repartir avec quelques souvenirs dans leurs valises, le marché est le lieu parfait pour s’approvisionner. Une boîte de loukoums est toujours bienvenue pour les plus gourmands. Plus surprenant – et dur à trouver en France –, le nar ekşisi est une mélasse de jus de grenade, à la texture sirupeuse et à la saveur aigre-douce. Elle est largement utilisée pour assaisonner les salades et faire mariner les viandes. Enfin, le baharat est un mélange d’une douzaine d’épices et de menthe séchée, idéal pour les grillades.
Se régaler à ISTANBUL
Horaires à ISTANBUL
En Turquie, hormis pendant le ramadan, et particulièrement à Istanbul, il n'y a pas vraiment d'horaires fixes pour le repas : on mange quand on a faim. La plupart des restaurants proposent donc un service en continu. Le week-end, certains endroits servent le petit-déjeuner jusqu'à 13h30.
Budget / Bons plans à ISTANBUL
Il est facile de trouver des restaurants de qualité et bon marché, néanmoins évitez les zones trop touristiques telles que Sultanahmet et sous le pont de Galata, où les prix sont beaucoup plus élevés. Si vous prévoyez de manger local, optez pour les petits restaurants les plus bondés. Quitte à attendre un peu, vous êtes au moins sûr que la fréquentation assure un bon débit et donc une réelle fraîcheur des produits. Les restaurants acceptent le paiement par carte et en espèces, mais pas par chèque.
En supplément à ISTANBUL
L'addition arrive soit dans un petit carnet soit dans une boîte, et les taxes sont incluses dans le prix. Il est fréquent de laisser un pourboire, 5 à 10 % de la note selon votre appréciation du service. L'eau du robinet n'étant pas potable, les bouteilles d'eau minérale sont donc payantes, et le pain est gratuit sauf s'il est sous emballage plastique (c'est parfois le cas dans les cantines). Dans les meyhane (lieu où l'on boit du rakı) et les restaurants de poisson, on paie un supplément pour les couverts, car ceux-ci vont être changés plusieurs fois au cours du dîner.
C’est très local à ISTANBUL
Dans les restaurants, le service a la particularité d'être rapide. Il n'est pas rare qu'au moment où vous avalez votre dernière bouchée, votre assiette soit retirée sur le champ ! Idem pour les boissons : avant même d'avoir bu votre dernière gorgée, le serveur récupère le verre et en propose un autre. N'hésitez pas à lui dire d'attendre avant d'enlever votre assiette ou votre verre si cela vous dérange. Dans certains établissements, notamment dans les restaurants de poisson, il se peut que l'on vous propose de l'eau de Cologne pour vous rafraîchir les mains avant de partir.
Fumeurs à ISTANBUL
Depuis 2010, il est interdit de fumer dans les lieux publics fermés. Cependant, on constate que certains bars et restaurants (surtout ceux qui proposent de l'alcool) autorisent leurs clients à fumer à partir d'une certaine heure.
Les attrape-touristes à ISTANBUL
Dans les quartiers touristiques, vous serez assailli par des rabatteurs parfois trop insistants : évitez de les suivre !
Faire une pause à ISTANBUL
Horaires à ISTANBUL
Les bars et les cafés sont généralement ouverts toute la journée et tous les jours, mais certains pubs ou bars à cocktails n'ouvrent que vers 16h. Souvent, en fin de journée, après le travail ou le week-end, les Stambouliotes sortent prendre un verre.
Budget / Bons plans à ISTANBUL
Les prix varient en fonction du quartier. A Nişantaşı ou sur les rives du Bosphore, ils seront plus élevés. Les taxes sont incluses dans le prix, et vous pouvez laisser un pourboire (5 à 10 % de la note) si vous avez apprécié le service. Les bars et pubs acceptent le paiement par carte ou en espèces. Par contre, les petits cafés de quartiers ou les çay bahçesi (jardins où on prend le thé) n'acceptent en général que le paiement en espèces.
C’est très local à ISTANBUL
Dans les petits cafés et salons de thé, on ne sert généralement pas d'alcool, par contre on peut y fumer le narghilé. Si vous souhaitez fumer le narghilé, avant de commencer, veillez à placer sur la pipe l'embout fourni dans un emballage plastifié.
Les attrape-touristes à ISTANBUL
Fuyez les rabatteurs trop insistants, notamment dans la rue de Nevizade.