La Catalogne, berceau de l’avant-garde
De l’Antiquité grecque et romaine, il reste peu de vestiges. Les plus anciens témoignages mis à jour en Catalogne sont les peintures rupestres d’El Perelló, d’El Cogul et d’Ulldecona. La présence des Grecs ayant été courte et limitée géographiquement, peu de vestiges subsistent, à l’exception des sites d’Empúries et Roses au nord-est de la Catalogne. De la colonisation romaine, c’est la ville de Tarraco (future Tarragona) qui constitue le meilleur témoignage de la région. La Catalogne est plutôt réputée pour son art du XXe siècle.
Le début du XXe siècle
Le Noucentisme. Au début de ce siècle, le Noucentisme des artistes Josep Clarà, Josep Obiols, Joaquim Sunyer et Xavier Nogués, qui prônent un retour aux origines classiques et méditerranéennes des arts, est important en Catalogne. Ce mouvement s’inspire de la dénomination des siècles de la Renaissance dans la tradition italienne qui a ainsi désigné le Quattrocento, le Cinquecento, etc. « Nou », en catalan, signifie à la fois le chiffre « neuf » comme l’année 1900, et est synonyme de renouveau. Le Noucentisme est ainsi censé révolutionner les siècles passés. Cependant, de grands noms de l’avant-garde et de la peinture moderne sont originaires de la région.
La Casa Amattler. On peut toujours visiter la Casa Amatller, édifiée à Barcelone, où vivait le photographe, chocolatier et collectionneur Antoni Amatller Costa. Ce bâtiment moderniste catalan construit par Josep Puig i Cadafalch en 1898 est en effet une commande de ce personnage influent en Catalogne.
Salvador Dalí (1904-1989). Salvador Dalí est natif de Figueras. Excentrique, génie et provocateur, les qualificatifs ne manquent pas pour cerner la personnalité du peintre surréaliste, qu’il soit fou de chocolat Lanvin, de sa muse Gala, ou qu’il érige la gare de Perpignan au rang de centre du Monde. Visions ironiques de la réalité ou bien hallucinatoires, ses œuvres sont nées de la technique d’investigation de l’irrationnel par le délire, appelée « méthode paranoïaque-critique ». Il fait partie des précurseurs du surréalisme.
Joan Miró (1893-1983) et Pablo Picasso (1881-1973). Joan Miró est originaire de Barcelone. Ce dernier vit ses plus jeunes années dans le Barri Gòtic comme Picasso, qui, avant son départ à Paris en 1900, y séjourne rue d’Avinyo, côtoyant les bas-fonds catalans auxquels il dédiera les Demoiselles d’Avignon. Miró et Picasso suivent également tous deux, à des époques différentes, les cours de l’Escola de Belles Arts de la Llotja. Ils se rencontreront plus tard lors de leurs différents séjours à Paris. Le musée Picasso de Barcelone inauguré en 1963 témoigne de l’importance de ce passage catalan pour Picasso qui à cette époque débute sa carrière d’artiste. Sous Franco, Miró, qui rompt avec le surréalisme s’installe, quant à lui, à Palma de Majorque puis à Barcelone où il définit, pendant la Seconde Guerre mondiale, les bases de son style personnel et les thèmes définitifs de son travail. Beaucoup de dessins, dont les traits dénudent la forme de manière sobre, portent le titre de La Femme Oiseau Étoile. Il peint également plusieurs séries de toiles et parfois sans chevalet. L’ambiance de ses tableaux est terne et triste et l’on peut sentir que la guerre rugit. L’année de la mort de Franco, en 1975, la fondation Miró est inaugurée à Montjuïc et celui-ci réalise des œuvres dans l’espace public, en 1976, une mosaïque sur la Rambla, et les sculptures du parc Miró, en 1983.
Le fauvisme. Non loin de là, sur la côte, à Collioure, en Catalogne française, les peintres français Henri Matisse et André Derain créent le fauvisme en 1905, avec d’autres artistes. Et en 1911, un autre peintre français Georges Braque, à qui Picasso rend plusieurs fois visite, s’installe à Céret dans le Vallespir. Venus de Paris, l’artiste Juan Gris et le marchand d’art Max Jacob y séjournent également en 1913. Une véritable effervescence bouillonne alors dans la ville. Le critique d’art André Salmon surnomme d’ailleurs cette ville la « Mecque du cubisme ». À partir de 1916, d’autres artistes venus de Montparnasse et de La Ruche, notamment Chaïm Soutine et Marc Chagall, y posent également leurs valises. La Première Guerre mondiale éclate et la capitale catalane devient une terre d’exil pour d’autres artistes de Montparnasse, tels Francis Picabia, Marie Laurencin, Sonia et Robert Delaunay. Mais en 1936, la guerre civile espagnole contraint de nombreux artistes à l’exil, comme Dalí, qui voyage en Europe, et le sculpteur catalan Apel·les Fenosa, sympathisant anarchiste, qui s’établit à Paris.
La transition avec l’art contemporain catalan
Antoni Tàpies. Après la guerre, en 1948, la revue et le mouvement néo-dadaïste Dau al Set (en catalan : Dé sur le sept), fondés par Tàpies, tentent de réveiller l’Espagne de son inertie intellectuelle. Ce dernier, qui rompt lui aussi avec le surréalisme, connaîtra une carrière internationale. En 1949, il rencontre Joan Miró, qui l’influence beaucoup, à l’instar de Paul Klee pendant sa première période surréaliste. Tàpies choisit l’abstraction et, bien avant l’Arte Povera, agglomère des matériaux organiques végétaux, débris de terre et de pierre à ses toiles. Ainsi, à partir de 1953, il ajoute de la poudre d’argile et de marbre à sa peinture, utilisant le papier déchiré, la corde et des chiffons, par exemple dans Gris et Vert, 1957. Dalí revient avec Gala en Catalogne et continue son œuvre. Il édifie un théâtre-musée à sa propre gloire en 1974 à Figueras.
Le quotidien espagnol des années 1960 a été largement documenté par Ricard Terré et Ramon Masats, qui se rencontrent au sein l’agence AFAL en 1958. Ils connaîtront une carrière internationale de photojournaliste. Ricard Terré reprendra la photo après une longue période de silence pour continuer sa série d’images autour des célébrations religieuses de la région. Quant à Ramon Masats, il sillonnera l’Espagne et le monde pour en rapporter les meilleurs clichés.
Les années 2000
Jaume Plensa. Né en 1955, le sculpteur Jaume Plensa est l’un des artistes catalans contemporains les plus importants. Créant des têtes monumentales, ou d’immenses personnages assis, réalisés en métal, marbre, albâtre, verre, bois ou encore ciment, il intègre parfois des vers de Shakespeare dans les structures de ses œuvres. Héritier du pop art, il travaille dans le monde entier, mais même si la ville lui a consacré plusieurs expositions, il n’a pas réalisé d’œuvre pérenne dans l’espace public de Barcelone.
Depuis sa création en 2003, le festival LOOP, devenu un passage obligé pour les amateurs et les professionnels de l’art vidéo. Tous les ans, au cours de la deuxième moitié du mois de mai, la ville est littéralement inondée de créations audiovisuelles. L’art vidéo s’exhibe dans de nombreuses galeries de la ville, mais aussi dans des bars, des boutiques, des chambres d’hôtel, etc. Si bien que Barcelone est aujourd’hui une référence dans le panorama européen de la création audiovisuelle.
Le street art et les quartiers arty
À Barcelone, le quartier du Raval, où tous les skateurs se réunissent pour pratiquer leur sport de glisse, est investi par les graffeurs locaux et du monde entier, réalisant de grandes fresques engagées. Les Catalans Chanoir, Andrea Btoy, Debens, Jafet Blanch, Fasim, Grito, Mina Hamada, Sawe, Zosen et Eos, font eux aussi partie du voyage avec leurs logos-graffitis aux pochoirs en passant par la peinture à l’huile acide. Ils vivent dans la capitale catalane et sont les ambassadeurs du graffiti barcelonais à l’étranger. La plupart du temps anonyme, ils travaillent parfois avec des autorisations ou la nuit lorsque la ville dort.
Pour vous situer et retrouver les endroits arty de Barcelone, la plupart des galeries d’art contemporain se trouvent dans le quartier de l’Eixample, avec une forte concentration dans la carrer Consell de Cent. La galerie ProjecteSD dirigée par Silvia Dauder en est un exemple. Elle est spécialisée dans la photographie et la vidéo contemporaines. À quelques mètres de là, on trouve la méga-galerie Marlborough, qui a également des succursales à Madrid, Monaco, Chelsea et en Floride. Historiquement centrée sur l’expressionnisme allemand et à l’origine une enseigne britannique du milieu du XXe siècle, elle propose des expositions de grands artistes de la scène internationale. La Galeria Estrany de la Mota vaut également le détour, pour ses artistes espagnols et étrangers, aussi bien que pour son espace gigantesque qui peut faire penser à une caverne.
Pour découvrir de jeunes talents, n’hésitez pas à parcourir les petites rues du quartier du Born. Enfin, les bars du quartier de Gracia sont une source inépuisable de jeunes talents. De nombreux cafés, bars et salles de concert faisant office de salles d’exposition, soyez attentif : c’est peut-être l’occasion de rapporter un souvenir artistique pour pas cher. D’ailleurs de nombreuses associations artistiques ont vu le jour ces cinq dernières années. Mais les loyers augmentent dans le centre-ville, certaines galeries d’art contemporain et de nombreux artistes déménagent à L’Hospitalet de Llobregat, une ville post-industrielle limitrophe de Barcelone, en pleine gentrification. Elle est la deuxième ville la plus peuplée de la région catalane. La galerie Nogueras Blanchard présente notamment des artistes connus, mais aussi de leur propre cru, pour mieux tenter le visiteur et les collectionneurs. Alors, pourquoi ne pas aller aussi dans cette province visiter les ateliers et aller voir des expositions, prendre le pouls de la création ultra contemporaine. Un équivalent des banlieues de Paris, comme Pantin et Romainville par exemple, qui regorgent de vitalité.
Enfin, idéal pour faire des photos de rue, le village de Penelles est un bourg d’à peine 500 habitants, à deux heures en voiture de Barcelone. Il devient depuis ces dernières années, avec ses murs couverts de graffitis, un véritable temple du street art. À l’origine de ce projet, la mairie, qui finance depuis 2015 les œuvres de plus d’une cinquantaine des graffeurs venus du monde entier pour faire des maisons de véritables tableaux. On y recense un graffiti par habitant ! Des artistes catalans et espagnols y ont laissé leur empreinte et également des artistes venus de toute l’Europe.
Quelques artistes barcelonais contemporains
Antoni Muntadas (1942). En matière de vidéo, Antoni Muntadas, qui vit à Barcelone, est un des artistes les plus reconnus à l’international. Il produit des œuvres détournant les images télévisuelles et critiquant l’hyperconsommation. Il utilise également la performance, les installations, la photographie, le multimédia, le livre, Internet et l’art public pour répondre aux principaux enjeux politiques et sociaux de notre temps.
Joan Fontcuberta (1955). Barcelonais de cœur, l’artiste contemporain Joan Fontcuberta, qui réalise le portrait officiel du pilote-cosmonaute Iván Istochnikov en 1968, utilise ce médium pour créer de véritables tableaux hypnotiques. Star de l’art contemporain aujourd’hui, cet artiste est également théoricien et il est spécialiste de l’histoire de la photographie et des sciences de l’information.
Jordi Colomer (1962). Basé entre Barcelone et New York, Jordi Colomer est aussi un artiste populaire, qui a connu le succès plutôt dans les années 1990. Il réalise des maquettes d’architecture d’après de vrais bâtiments et les photographie dans leur contexte d’origine. Par ailleurs, il tourne des films de fiction, souvent improvisés par des acteurs qu’il projette sur plusieurs écrans. Il a représenté son pays en faisant une installation collective avec plusieurs artistes avec des dessins d’architecture sur du carton à la 57e Biennale de Venise en 2017. Cette manifestation bisannuelle a été une consécration pour l’artiste.