Le classique et l’opéra
Il est courant d’entendre qu’Amsterdam est une ville de musiciens plutôt que de compositeurs. C’est particulièrement vrai dans le classique. Avec Alphons Diepenbrock, Hendrik et Louis Andriessen ou Jan Sweelinck comme figures de proue, les Pays-Bas n’ont pas offert de compositeurs « majeurs » à l’histoire du classique. Mais par un juste équilibre des choses, la capitale conserve néanmoins une place particulière dans le cœur et l’estime des mélomanes. Si vous leur demandez pourquoi, ils vous répondront sans doute par un nom : le Concertgebouw. Ce temple du classique s’est bâti une aura mondiale en conjuguant plusieurs atouts : une beauté néoclassique, une acoustique parfaite et une programmation d’exception. Surtout, l’endroit est la résidence de l’Orchestre Royal néerlandais, un des plus prestigieux au monde, réputé pour ses interprétations d’un éclat inouï et dont la liste de directeurs donne le vertige : Mengelberg, Haitink, Chailly, Jansons ou encore Daniele Gatti. Qui plus est installé à quelques pas du quartier des musées et du Vondelpark, c’est un plaisir de s’y rendre.
Les amoureux de classique sont unanimes : on n’a pas complètement vu Amsterdam si l’on n’a rien entendu au Concertgebouw. Les amateurs d’art lyrique, eux, peuvent trouver quelques merveilles dans la programmation du Muziektheater. Seul Opéra des Pays-Bas, ce gigantesque complexe (1 600 places) à l’acoustique parfaite est un de ces édifices que les locaux adorent détester. En cause ? Son architecture austère signée du « moderniste pragmatique » Wilhelm Holzbauer. Le Muziektheater est la résidence du « DNO » (De Nederlandse Opera), compagnie qui sous l’impulsion de Pierre Audi – son audacieux directeur artistique pendant trente ans – a pris une envergure internationale. La relecture contemporaine de classiques, l’ouverture aux autres arts et une grande place accordée à l’innovation sont les trois piliers de la mise en scène du DNO.
Si votre séjour se déroule aux alentours de la mi-août, il serait dommage de rater le Grachten Festival (« Festival des canaux »). Chaque année, à la même période, Amsterdam met la musique classique à l’honneur via quelque 250 concerts et célébrations dans toute la ville – y compris sur les bateaux et rives de canaux – pour un prix souvent dérisoire (parfois même pour rien). Une des plus douces façons d’apprécier la capitale.
Le théâtre et la danse
Dans l’imaginaire commun, la danse aux Pays-Bas, c’est un pas de deux entre l’hyper contemporain Nederlands Dans Theater de La Haye et le très classique Ballet National néerlandais d’Amsterdam. Si ç’a été vrai, ça l’est de moins en moins. Sous l’impulsion de Ted Brandsen, directeur depuis 2012, le Ballet national néerlandais porte un regard très moderne sur des œuvres classiques (environ deux à trois ballets par an). Un virage payant, la compagnie est maintenant considérée comme une des cinq meilleures du monde. Une merveille qui a trouvé son écrin dans le Muziektheater, un des plus grands et fastueux théâtres d’Europe où l’on peut aussi apprécier les représentations de l’Opéra national. La tradition d’avant-garde néerlandaise est omniprésente dans le théâtre du pays. Symbole vivant de cet esprit, le Toneelgroep Amsterdam, équivalent de la Comédie-Française, et son directeur artistique Ivo van Hove. Internationalement reconnue, la compagnie s’illustre par des productions innovantes (même franchement avant-gardiste) du répertoire classique et moderne. C’est la troupe attitrée du Stadsschouwburg Amsterdam, magnifique bâtiment néo-Renaissance, inratable sur Leidseplein. Les amateurs de danse contemporaine aussi y trouveront leur bonheur, l’endroit accueille des créations contemporaines chorégraphiées par des artistes majeurs (William Forsythe, pour ne citer que lui). Les Pays-Bas aiment le cabaret, c’est d’ailleurs une grande tradition locale. Pour en voir, direction le Théâtre Carré, sur les rives de l’Amstel où l’on peut aussi apprécier des comédies musicales, des concerts, de la danse ou du stand-up.
Jazz à Amsterdam
Grâce au North Sea Jazz Festival, un des plus grands événements jazz européens se tenant annuellement depuis 1976 à Rotterdam, les Pays-Bas ont accueilli en quarante ans la crème mondiale du genre. Enhardie au contact de ces nombreux artistes internationaux, la scène jazz néerlandaise s’est elle-même garnie de beaux noms à la solide réputation. Parmi eux, Misha Mengelberg, pianiste proche de Fluxus et collaborateur de Derek Bailey et Eric Dolphy ou encore le batteur Han Bennink, sommité du free jazz. Aujourd’hui, le jazz néerlandais grimpe souvent en tête des ventes, porté par de grandes voix féminines : Caro Emerald, star mondiale, Fay Claassen, multi-récompensée ou Denise Jannah, signée chez Blue Note – le label le plus prestigieux au monde.
Amsterdam est par nature une ville de jazz. Peut-être est-ce la brume, le jour. Ou les néons réfléchissant sur les pavés la nuit. Mais dans les rues d’Amsterdam flotte un spleen assez doux, très propice au jazz. Aucun hasard si la capitale propose de nombreux lieux où le goûter en live. Le moins intimiste, mais le plus impressionnant est sans conteste Het Bimhuis. Ouvert en 2005 et situé dans le complexe ultra-contemporain Muziekgebouw, ce repaire de tous les jazz a néanmoins un petit faible pour l’avant-garde et l’improvisation. Plus classique, une option pour s’extraire de la très touristique Leidseplein est de s’engouffrer dans le Jazz Café Alto, la seule bonne adresse de la rue et l’assurance d’écouter du jazz en live (souvent easy listening). Enfin, à proximité de l’Université se niche « Engelbewaarder » petit café littéraire, avec vue, très cosy, où l’on se perd dans le free jazz et les bavardages enflammés.
Pop et rock
Lorsque l’on parle de pop aux Pays-Bas, difficile de ne pas aborder le cas de la « nederpop ». Pur produit local – contraction de Nederland (Pays-Bas) et « pop » – ce mouvement des années 1960 et 1970 a poussé sur le devant de la scène internationale des groupes comme Golden Earring, Shocking Blue ou Herman Brood. Côté rock, comme toute l’Europe du Nord, les Pays-Bas proposent une scène très fournie en groupes de metal. Sans surprise, la jeune création néerlandaise est en ébullition et de nombreux artistes de la scène contemporaine brille à l’internationale. L’exemple le plus criant est Altin Gün, groupe de « pop anatolienne » basé à Amsterdam. Issus de la diaspora turque, ses membres reprennent les grands standards de la pop et rock psychédélique qu’écoutaient leurs parents ou grands-parents pour en donner une lecture moderne. Mais ils sont loin d’être les seuls : Rimon, la Jorja Smith néerlandaise, ou encore De Ambassade, du post-punk dans la droite lignée des cultissimes The Ex ne sont que quelques exemples de l’hyperactivité de la scène locale. Les amateurs trouveront toujours un concert du genre durant leur séjour. En bonne capitale, Amsterdam est un centre névralgique de la musique live. Bien que la ville abrite son lot d’institutions, deux se détachent nettement : le Paradiso ou le Melkweg. Le premier est considéré comme un temple de la pop. Lieu historique de la contre-culture locale des années 1970, le Paradiso est toujours un passage obligé. Ancienne église dont la décoration raconte joliment son passé (superbe vitrail, voûtes, etc.), cette salle de concert présente le meilleur de la musique actuelle. Les lecteurs du magazine Pitchfork y trouveront leur bonheur. À deux pas d’ici, en traversant Leidseplein, on gagne en un clin d’œil le Melkweg. Lieu pionnier de l’électronique (elle fut la première salle du pays à diffuser de la house), le Melkweg (« voie lactée » en français) convie aujourd’hui toute une constellation de genres – du jazz à la pop en passant par le rap ou le rock’n’roll – avec une seule constante : la qualité. Plus alternatif ? Amsterdam compte au moins autant de sentiers battus que de manières d’en sortir. Parmi son lot d’adresses surprenantes, une s’avère particulièrement piquante : Het HEM. Situé dans une ancienne usine de munitions de la banlieue nord-ouest, le lieu est aussi excentré qu’excentrique, il accueille le tranchant de la création contemporaine. Arts visuels, théâtre ou musique, quel que soit le domaine, on a la certitude d’assister à quelque chose d’étonnant et culotté.
Collectionneur ou amoureux du vinyle, n’oubliez pas d’aller chiner chez Concerto ainsi que chez Rush Hour. Le premier est le meilleur disquaire de la ville. Dans ses quelque 1 000 m², l’endroit vend des perles de tous genres confondus et dispose aussi d’une partie café. Le second se situe non loin du quartier rouge et cumule les trésors house, funk ou soul.
La musique électronique
Au même titre que Berlin, Amsterdam est une capitale mondiale de la techno et autres musiques électroniques. La ville est le refuge d’innombrables artistes et labels et propose un réseau dense de bonnes adresses pour apprécier le genre dans son élément naturel : le club. L'endroit le plus étonnant pour écouter de la musique électronique à Amsterdam est De School. Cette ancienne école technique est LE nouveau temple de la musique électronique. Excentré à l’ouest de la capitale, ce bijou brutaliste vaut le détour pour le raffinement de sa programmation, son amour du design et son atmosphère crue et arty très berlinoise. Une expérience unique à vivre à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, puisque le lieu détient le permis 24h/24. Petits plus : on y trouve un jardin agréable et un restaurant étonnant. Envie d’aller plus loin encore ? Direction « Amsterdam Noord ». L’aventure commence dès que l’on embarque sur le ferry (15 minutes de trajet, départs depuis la gare centrale) direction NSDM, un ancien quartier naval reconverti en village underground et créatif. Dès le débarquement, on est accueilli par des grues, des graffs et une architecture restée intégralement industrielle. C’est austère, intimidant, c’est vrai. Mais c’est ici que l’on croise des incontournables comme Pllek, ex-hangar devenu bar (et club la nuit tombée), les pieds dans le sable, les yeux dans l’eau. Une autre planète. Un autre Amsterdam incarné aussi par le club « Garage noord ». Lui aussi situé sur la rive nord de l’IJ, cet espace petit, mais arty couve des fêtes de poche aussi intimistes qu’underground. À conseiller en sortant de chez « De Goudfazan », une des tables les plus en vue de la ville, à proximité. Un Amsterdam alternatif, on peut en trouver sans même quitter le centre. Direction le nord de Vondelpark où est nichée une petite pépite : OT301. Ancien squat devenu plateforme artistique, OT301 a conservé son esprit libertaire – une programmation d’avant-garde et des prix libres – tout en devenant un incontournable de la nuit amstellodamoise.