La musique de conque de lambi
Qu’entend-on par Watabwi-ora ? Dans le patrimoine immatériel des Martiniquais, il faut placer l’un des plus anciens instruments de musique au monde et le plus ancien sur le sol martiniquais, celui que reste la conque de lambi. La conque de lambi est un instrument sonore hérité des peuples premiers des Antilles : les Arawaks et les Kalinagos. Kalinago est le nom réel du peuple nommé caraïbes par les Européens. Le son produit par cet objet qui est issu de la mer a su traverser le temps. De nos jours encore par voie de conque sonore les pêcheurs rameutent la clientèle en leur annonçant leur arrivée au débarcadère. Il a longtemps contribué à accompagner les charivaris (chalbari) qui annonçaient en grands fracas de tambour et de toutes autres sortes de musiques accessoires, qui informaient de l’éventualité ou l’imminence d’un mariage entre veufs, en faisant prendre connaissance de la nouvelle de manière ubuesque. Il annonçait aussi par voie de conque sonore la triste nouvelle du passage de Basile, autrement dit la mort, dans le quartier puisque les radios n’étaient encore qu’à leurs balbutiements. Durant l’époque coloniale il a su aussi ponctuer les évènements extraordinaires de la vie de la communauté rendue servile : mort, catastrophe, insurrection. Ses messages assuraient essentiellement deux fonctions : informer de l’extraordinaire et rassembler. En langue amérindien insulaire on le nomme Watabwi-ora : ora veut dire le mollusque, Watabwi désigne la coquille.
Les fouilles. Un document intitulé « Grotte de Marsoulas, carte IGN interactive [archive] » rapporte sur Géoportail, qu’« en 1931, fouillant le talus d'entrée de la grotte dite grotte des Fées à Marsoulas - une commune française située au centre du département de la Haute-Garonne, en région occitane - deux archéologues préhistoriens Henri Begouën et Townsend Russel vont y trouver une grande quantité de mobiliers préhistoriques, et notamment une conque que l’on peut voir au Muséum de Toulon. Ce coquillage est en réalité le tritonis nodifera méditerranée, aussi nommé charonia lampas, un des 5 types de triton. la coquille est longue de 31 cm avec des traces d'ocre. Ce coquillage, vieux de 18 000 ans, est alors décrit comme un « vase à eau », mais un examen plus approfondi va suggérer qu'il s'agit d'un instrument à vent dont la fonction reste hypothétique. On ne peut définir s’il s’agit d’un instrument de liturgie, d'appel, ou d’agrément. Selon des recherches, le Carbone-14 a révélé qu'il s'agissait du premier instrument à vent de ce type. »
L’instrument. « Après avoir percé la coquille d'un trou, sur la pointe ou sur un côté, l'instrumentiste y soufflait pour produire des sons selon le même principe que la trompe de chasse ou la corne de brume notamment. C'est l'un des plus anciens instruments de musique qui nous soient parvenus, comme l’atteste l’exemplaire de la conque de Marsoulas qui date du Magdalénien (dernière culture archéologique du Paléolithique supérieur en Europe de l’Ouest. Il s'étend entre environ 17 000 et 14 000 ans avant le présent). »
Qu’appelle-t-on Watabwi ? Il nous faudra plonger dans le passé pour partir à la rencontre de la conque de lambi qui est notamment le symbole représentatif de la ville des Anses d’Arlet. Ce symbole renvoie au monde de la pêche puisque Anses d’Arlet est une ville de pêcheurs ; d’ailleurs de nos jours la conque de lambi signale encore le départ et le retour des pêcheurs. La conque de lambi est le symbole et fait référence à une activité très caractéristique de la vie économique et culturelle de cette commune. Cette ville doit son nom à Arlet un ancien chef Kalinago, le frère de Pilote. Ils auraient tous les deux abandonné leurs biens et leurs terres aux colons du Nord de la Martinique pour se réfugier dans le Sud, à la suite d’un traité signé entre eux. De ce fait, Arlet s'installa dans la région à laquelle il a laissé son nom, et son frère Pilote à Rivière-Pilote la commune qui porte elle aussi, son nom. En Martinique la conque de lambi symbolise tout ce qui relève du milieu de la pêche.
Le Lambi, « strombus giga » de son nom scientifique, était appelé « watabwi » par les kalinagos premiers habitants de l’île. Ce coquillage se compose d’un mollusque comestible niché à l’intérieur de sa coque appelé « conque ». Elle peut atteindre 30 cm de largeur et peser 1,5 kg. Réputé détritivore, le mollusque consomme des algues et divers débris végétaux, il peut aussi se nourrir d’algues mortes ou vivantes, les sargasses ou autres débris apportés par le courant dans les dépressions ou certains fonds marins.
On le retrouve le long du littoral de l’archipel caraïbéen et il est utilisé principalement aujourd’hui pour des mets culinaires, dans lesquels on le consomme le plus souvent en court-bouillon, en fricassé ou grillé en brochette ou non.
En raison de sa surpêche le lambi qui est aussi très apprécié pour sa chair est en voie de disparition. En conséquence il est protégé par la Convention de Washington (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction) son commerce est fortement limité, et il est placé sous le contrôle des douanes dans les Antilles françaises. Il est classé comme espèce menacée et il est partiellement protégé.
La conque de lambi instrument musical. La conque de lambi elle-même, présente de multiples atouts. Les pêcheurs attachaient trois ou cinq kòn lanbi qu’ils regroupaient pour servir d’ancre pouvant maintenir les barques. De nos jours encore les conques, eu égard à leur résistance aux intempéries et à leur capacité à épouser le sol, servent à délimiter les fosses dans les cimetières. C’est la raison cartésienne, car on leur prête aussi et avec beaucoup plus de ferveur, le pouvoir magique d’aider l’âme à revenir en Afrique, ce qui explique leur indispensable présence autour des fosses. En effet, déjà chez les Kalinagos, la conque de Lambi servait à honorer les morts à travers la décoration des tombes.
Selon le LAO (Laboratoire d’Archivage de l’Oralité), on leur doit aussi l’utilisation de la conque comme élément de décoration et de matériau de fabrication de produits d’artisanat. C’est à eux que revient l’idée d’avoir inscrit dans notre univers caribéen la conque de lambi dans le champ de l’expression artistique, en en faisant un instrument de musique original qui produit un son singulier quand on souffle dans son ouverture. Elle servait à annoncer de morne en morne les grands événements de la vie, qu’il s’agisse de naissances, de mariages, de décès ou encore de révoltes. C’était à la fois, un téléphone, une radio et un instrument de musique. Il existait un authentique dialecte du lambi. Il introduit un art de vivre, à un imaginaire, à une conception des relations humaines et de la vie, à une manière d’habiter la langue, à toute une série de valeurs qui ont contribué à forger l’identité de la ville, à lui conférer ce que beaucoup perçoivent, qu’ils soient de Martinique ou d’ailleurs, comme une indéniable authenticité.
Le groupe Watabwi est un groupe orchestral de souffleurs de conques de lambi de la section de l'association qui se dénomme LAO : Laboratoire d'Archivage de l'Oralité. Cette section regroupe une quinzaine de participants actifs qui s'entraîne régulièrement depuis plus de vingt ans. Les entraînements se déroulent sous les conseils et la conduite du dernier référent majeur, Pierre Louis Delbois, qui est retraité du bâtiment, ancien marin pêcheur, fils de marin pêcheur. C'est lui qui transmet l'héritage du capital sonore autour de cet instrument et en explique les principes majeurs.
« Watabwi est un groupe qui a la particularité de jouer de la musique avec les conques de lambi. Cette association s'est donnée comme projet d'apporter sa contribution au développement du patrimoine immatériel de la Martinique. Des cours sont donnés aux jeunes avec toute l'explication sur l'instrument. Ils se déroulent le mercredi sur le bord de mer de Fort-de-France. « Watabwi » fait vivre cet instrument sonore hérité des premiers peuples des Antilles. Il met en valeur le formidable potentiel harmonique de la conque. Souffler dans ce coquillage nécessite un certain savoir pour faire sortir les différentes notes musicales.
La flûte en bambou dite toutoun banbou
Le nom « toutoune-bambou » (toutoun-banbou) est issu de la langue créole et désigne une flûte en bambou. Elle doit être taillée dans la tige creuse du bambou, appelée chaume, trois jours après la pleine lune, à la bonne lune donc, pour éviter la prolifération de mites qui réduiraient en poudre l’instrument qui doit sécher à point. Cette condition elle-aussi est indispensable car si le bambou est trop sec, le bois se fend, et la qualité du son sera médiocre si le bambou est mou.
La toutoun-banbou est un mot tombé en désuétude depuis que le flutiste renommé Max Cilla l’a désignée « flûte des mornes ». Professeur du regretté Eugène Mona, il a fait adopter cette appellation française et a en même temps fait régresser sans le vouloir, le mot créole toutoun-banbou, tout en donnant à cet instrument qu’il a enseigné au Sermac toutes les lettres de noblesse qui lui sont dues au même titre que le steel band.
Comment la fabriquer. Au risque de faire de très mauvaises rencontres dans la forêt de bambous, car le botrops lanceolé, nommé sans être nommé, affectionne tout particulièrement les lieux, il faut aller chercher l’objet. Il devra présenter un profil tubulaire régulier. Le chaume sera ensuite percé pour libérer le son de part et d’autre et sur le côté pour permettre de produire les notes. Les premiers flûtistes de la « toutoun-banbou » étaient des personnes en symbiose avec la nature, ils l’ont mise à profit pour reproduire sans doute un objet de leur connaissance. Il faut de prime abord tenir compte de la lune qui, si l’on ne respecte pas son cycle, peut se révéler préjudiciable. Après avoir choisi la pièce, un bambou arrivé à sa maturité qui a la densité, la texture et la forme adéquate, il faut couper le chaume entre deux nœuds d’au moins 20 centimètres. La flûte longue a des capacités de production de son, allant du grave à l’aigu. L'instrument sera taillé dans le chaume du bambou. A l’extrémité qui sera porté à la bouche - l’embouchure - une fente rectangulaire pas très large circuler l'air à l'intérieur. Avec un bout de fer cylindrique chauffé au rouge on va réaliser les trous correspondant aux notes. Diamétralement opposé on va placer un trou qui sera bouché avec le pouce ce qui permet la modulation et la réalisation de sons divers. Six trous seront disposés sur le chaume à des espaces plus ou moins réguliers pour reproduire des notes des gammes mineures ou majeures. Après avoir fait des essais multiples le facteur d’instruments va tâtonner à plusieurs reprises pour connaître la position la plus appropriée pour l’ensemble des notes. Les trous les plus proches de l’embouchure correspondent à ceux qui seront bouchés ou débouchés par les doigts de la main gauche (l’index, le majeur et l’annulaire) les trois autres trous seront respectivement bouchés ou débouchés par les trois doigts de la main droite l’index, le majeur et l’annulaire. Les pouces et les auriculaires servent à maintenir l’instrument en position stable.
De nos jours la perceuse électrique fait mieux et plus rapidement l’affaire. La flûte est ensuite accordée avec des lames de ciseaux.
Max Cilla explique « qu’en entreprenant un travail plus scientifique pour cerner les principes de fabrication et en mettant au point une méthode pour les fabriquer dans différentes tonalités, j’ai réussi à faire disparaître cette image d’instrument « aléatoire » de la toutoun-banbou. Cela a permis d’assurer une transmission dans l’art de les fabriquer, sans que cela ne soit basé uniquement sur l’intuition, ce qui était assez complexe. Il faut savoir que le bambou est un bois particulier par sa texture fibreuse. De plus, ce n’est pas une tige qui grossit avec l’âge : dès son bourgeonnement, le diamètre du bambou est déjà déterminé. L’âge ne modifie pas le diamètre du bambou, mais il fortifie sa texture. Il y a donc des bambous de différents calibres. Tout ceci fait appel à des qualités d’observation de la nature qui demandent déjà une grande attention et l’implication du flûtiste dans la conception de l’instrument, par cette mise en relation directe avec la nature. »
Max Cilla, Léon Sainte-Rose, Eugène Mona sont des flûtistes qui ont fait découvrir la flûte traditionnelle au grand public.
La biguine
L’abolition ayant été gagnée de haute lutte, la Martinique se remet à peine de l’esclavage, que déjà elle aura à renaitre de ses cendres provoquées par l’éruption de 1902. Saint-Pierre connait alors le bèlè, cette danse des mornes, chantée, accompagnée de tibwa, de tambours, choses que les bien-pensant de la ville vouent aux gémonies et concèdent volontiers aux individus de basses engeances. Selon les recherches de Michel Béroard, chercheur en musique, le mot biguine proprement dit, n’a jamais été utilisé pour désigner une danse des gens de ville à Saint-Pierre. Jusqu’en 1920, la biguine désigne une musique et une danse de bamboulas de nègres, autrement dit une « musique de vieux nègres » comme on aime à le dire encore ici, pour les choses pour lesquelles on n’a que très peu ou pas du tout de considération. Beaucoup de propos ont été tenus, répétés un peu partout mais il n’y a pas de documents qui attestent et laissent penser que nègres et mulâtres ont dansé la biguine entre eux à Saint-Pierre. En 1846 l’on voit pour la première fois écrit le mot biguine, dans le livre Les Bambous de Marbot, c’est une des danses que l’on retrouve dans les « bamboulas de nègres » comme le bèlè, autrement dit bagay vié neg, ces nègreries que les bourgeois et les maîtres n’apprécient pas trop et encore moins dans leurs salons.
Dans Trente ans de Saint-Pierre, un document de Salavina, pseudonyme de l’écrivain et journaliste Virgile Savane, datant de 1910, celui-ci raconte que dans un bordel, une prostituée a déclaré à son client : « sé sulon lajan ou ni, ou a bat makak la jik jou ! » tout biguine dans la rhumerie aux éclats sonores des cuivres ». (« C’est en fonction de ton argent que tu auras les faveurs que tu attends ! » et les comportements débridés allaient bon train.) En terrain mulâtre et chez le maitre, le mot biguine que l’on rencontre aussi chez d’autres auteurs, semble ne pas renvoyer à une danse, il fait plutôt penser à une espèce de comportement débridé, un brouhaha innommable fait dans une salle que ces gens dénomment la bamboula, notamment à la rue des Bons enfants où les men of wars a donné le mot créole manawa qui désigne les femmes de petite vertu qui fréquentaient les lieux. Cependant chez les habitants de la campagne, la biguine désigne bien une danse, au même titre que le bèlè, il y a d’ailleurs la biguine-bèlè.
Ce n’est qu’après 1929, lorsque Fructueux Alexandre dit Stellio et Ernest Léardé seront obligés de déclarer à la SACEM les morceaux utilisés dans leur répertoire, qu’ils déposeront le nom biguine.
Composition des orchestres (propos recueillis auprès de Michel Béroard). En 1929, dans les orchestres de biguine on retrouve les instruments suivants : la clarinette, le trombone, le violon, le violoncelle et le chant. En 1930, il y a la clarinette et le chant, auxquels vont s'ajouter le banjo, le piano, la batterie. De nos jours la composition musicale peut changer.
La biguine comme style musical. La biguine devenue musique de ville est un style musical aseptisé qui se joue sur les instruments de facture européenne. Elle a donné la danse du même nom. Elle aurait connu ses heures de gloire à Paris. C'est dans cette capitale que la biguine de l'époque a fredonné ses premières notes, esquissé ses premiers pas. La biguine n'avait pas de batterie dans les premiers orchestres, jusqu'en 1930. Elle est devenue depuis une figure incontournable du patrimoine martiniquais, celle qui va donner le la à la carrière musicale de la chanteuse Léona Gabriel-Soïme, née à Rivière-Pilote en 1891, morte à Fort-de-France en 1971 et connue sous le pseudonyme d'Estrella. La biguine, a connu un succès parisien dans l'exposition coloniale, et au bal Blomet.
La mazurka
La mazurka classique. C’est une danse traditionnelle de société d’origine polonaise, une danse très rythmée à trois temps. Selon Maja Trochimczyk (Polish dances Archiv), « son nom vient de mazur et mazurek (petite mazur) au XVIIIe siècle, mais elle serait originaire du peuple des Mazurs, vivant dans les plaines de Mazovie autour de Varsovie. » Cette danse polonaise arrive dans les pays européens en 1830, lorsque des Polonais sont chassés de leur territoire. Frédéric Chopin, Polonais de naissance, va alors s'établir en France. Il va s’inspirer de la musique traditionnelle polonaise qu’il connait bien pour influencer le répertoire romantique, et va ainsi contribuer, grâce à ses compositions originales de mazurkas, à donner à cette danse la notoriété qui fera sa gloire dans les salons européens au XIXe siècle.
La mazurka créole viendra s’ajouter aux nombreuses autres variantes et porter aussi sa touche personnelle à la mazurka originelle.
Le professeur de piano Roland Loiseau, précise que vers les années 1830, cette forme musicale a fusionné avec une danse populaire connue à la Martinique qui s’appelle le béliya qui est une forme ternaire de bèlè (ternaire signifie trois temps). On parle alors de mazurka créole. Ce sont deux figures distinctes, une nommée le piqué qui a un rythme rapide, les pas glissés sont suivis d’un piqué, et l’autre lente qui s’appelle la nuit dans laquelle les danseurs enlacés sont en complète fusion. C’est d’ailleurs la mazurka qui a introduit à la Martinique la danse en position rapprochée c’est-à-dire la danse en couple fermé.
La valse créole
Pour parler de la valse créole, il nous faut partir à la recherche de son origine, la valse proprement dite, et remonter le temps pour connaitre d’où elle vient. Ce serait le mot allemand « Walzer » qui signifie « tourner en rond » qui serait à l’origine de ce mot. « On pense qu’à l’origine elles seraient nées de danses populaires d’Allemagne, d’Autriche ou de la Haute-Bavière » nous dit Rémi Hess, dans La valse, un romantisme révolutionnaire, Paris, Éditions Métailié collection « Sciences humaines », avril 2003. Ce sont les valses de Vienne et notamment celles de Johann Strauss qui auront le mieux contribué à leur essor. Elles viendront s’opposer aux danses habituelles à « pas sautés » très en vogue à Versailles, danses de cour et musique baroque strictement codifiées telles que le menuet, la sarabande, la gigue ou encore la gavotte qui sont dites des danses « bienséantes ». Il n’y a pas de contact physique entre les danseurs. La Révolution française viendra par la pratique courante de la valse qui est une danse populaire de société qui se danse en couple fermé, assurer le déclin de ces danses de cour. Les danses vont passer de danses à pas sautés à celles des pas glissés, sur les parquets. Longtemps considérée comme inconvenante, la valse est une danse généralement écrite sur une mesure à 3 temps.
Le document Le Guido Reggazoni, Massimo Angelo Rossi, Piero Sfragano, Guide des danses de salon, Éditions SOLAR, 1998, explique que pour danser la valse, « le couple se déplace, et pivote, enlacé sur la piste en tournant sur lui-même. Le couple danse en rotation dans le sens des aiguilles d'une montre. On valse à droite ou à gauche. On peut aussi dire que l’on fait un tour à droite, un tour à gauche. »
La valse créole. La valse créole, et son rythme binaire, représente une adaptation réussie de la valse de Vienne. Elle a traversé l’espace et elle a remonté le temps pour parvenir jusqu’aux Antilles. La valse créole a cependant considérablement ralenti la rythmique habituelle de la valse, qui a subi beaucoup de transformations et son appropriation dans le bassin caribéen notamment à Cuba et au Panama a donné la valse Pasillo que l’on retrouve dans toute l’Amérique latine. Elle est rapide et sa transmission se comprend à travers les échanges nés de l’histoire de la Martinique et celle du Panama. C’est la cousine de la valse créole, laquelle a conquis les Martiniquais au point où la coutume veut que la mariée ouvre le bal avec la valse créole au bras de son père.
On a souvent respecté la forme en trois mouvements. Les traditions ancestrales, et les apports modernes ont fait le reste en donnant naissance à des variantes physiques au niveau de la danse et des variations rythmiques quant à la musique. Tous les deux ont apporté chacun l’essence de leur diversification pour le plaisir de tous : danseurs et mélomanes.
Les zouk
Le zouk. Le mot zouk qui de nos jours est passé dans le langage courant comme étant un mouvement musical, désigne dans les années 1960, des lieux de danse populaire plutôt indélicats, pas trop recommandables, et à la fréquentation, plutôt douteuse. C’étaient des lieux dans lesquels la sécurité était un mot inconnu du public qui s’y rendait. Vers le dernier tiers du XXe siècle, la tendance va s’inverser, le zouk va s’amender et désigner alors quelque chose de différent. C’est toujours un lieu de bal mais c’est un lieu dont la réputation s’est agréablement améliorée et aujourd'hui encore, on appelle zouk les soirées dansantes organisées chez des particuliers.
C’est à la fin des années 1979 début 1980 que le zouk qui désigne précisément le mouvement musical, nait en Guadeloupe, avec le groupe Kassav (en référence à la galette de manioc que l’on appelle cassave). Les textes sont en créole. La base est un rythme de gwo ka guadeloupéen, de ti bwa et du mendé, rythme de tambour guadeloupéen d’origine congolaise, avec une volonté de réappropriation de rythmes traditionnels issus du gwo ka (mende, graj) et du carnaval « tanbou mas a senjan ». En 1980 Pierre-Edouard Décimus, conçoit une nouvelle démarche musicale avec Freddy Marshall, Georges Décimus, puis Jacob Desvarieux, ils l’adaptent aux techniques musicales modernes. Au début de l'année 1981 paraît le premier album de Kassav : un nouveau genre musical est né qui servira de base au zouk actuel. C’est une composition de facture très rythmée qui se danse en couples serrés l'un contre l'autre.
Une pléiade d’artistes est venue contribuer à la popularité de ce style musical et enrichir cette musicalité de par la particularité de leurs voix et notamment le chanteur Patrick Saint-Éloi avec sa tessiture et ses vibratos élevés. D’autres chanteurs, chanteuses, musiciens de Martinique et Guadeloupe y ont contribué : Jocelyne Béroard, Jean-Philippe Marthély, Zouk Machine, Gilles Floro ; Joëlle Ursull, Frédéric Caracas, Tanya Saint-Val, Tony Chasseur, Akoustik zouk, Taxi kréyol et le groupe Kwak, etc.
Le zouk love. Le zouk love est caractérisé par un rythme plus lent. La proximité entre les deux partenaires de danse est totale. Il s'agit de chansons qui parlent souvent d'amour et de problèmes sentimentaux. On pense à la chanson Kolé séré, chantée en duo par Jocelyne Béroard et le chanteur Philippe Lavil, béké d’origine. Les paroles invitent à la mélancolie, à la réconciliation. Cette chanson a le mérite de mettre en évidence la structure créole qui, contrairement à certaines croyances faciles, n’est pas une copie de celle de la langue française. On voit bien dans la phrase créole « si nou té pran tan pou nou té kozé, kolé séré nou té ké ka dansé », que ce sont les particules « té », « ké », et « ka » qui indiquent le conditionnel. Dans le début de la phrase créole : le « té » marqueur temporel du passé est précédé du « si » hypothétique, qui est suivi de « pran tan » qui complète la phrase en indiquant la raison du kozé et introduit une phrase dans laquelle le « ké » marqueur du futur est suivi du « ka » duratif. Cependant alors que le « ka » garde sa fonction durative, les deux autres particules « té » et « ké » mises côte à côte indiquent que l’action est irréalisée, et alors qu’en français la marque du conditionnel « ions » est inscrite dans le verbe danserions (première personne du pluriel) : « Si nous avions pris le temps de nous comprendre, nous en danserions. »
En plus d’une aussi belle construction grammaticale créole correcte nous partageons là le bonheur de l’échange et de la réconciliation.
Le zouk-béton. Par opposition au zouk love, le rythme du zouk-béton est beaucoup plus rapide et aborde des thèmes plus grivois, plus moqueurs. Les paroles racontent souvent la chronique sociale comme la chanson Kay manman latè ké tranblé, Doméyis mako. C’est une forme plus accélérée du zouk qui se danse de façon plus libre, plus virevoltante. On trouve ce rythme notamment dans les chansons de carnaval.
Le steel pan
L’équipe de l’Office Municipal de la Culture, qui deviendra par la suite le Sermac (Service Municipal d'Action Culturelle), forme des Martiniquais à l’apprentissage du steel pan depuis plus de 30 ans. Il propose notamment à ses élèves l'enseignement. C’est ainsi que petit à petit le pan, considéré comme instrument acoustique est introduit dans différents groupes musicaux de l’archipel Caraïbe. Les pionniers de l’instrument à la Martinique sont Gabriel Desroc, Guy Louiset, Mano Limier, Raymond Mardayé, vers la décennie 60-70.
Le steel pan est originaire de l’île de Trinidad, dont il est devenu l’instrument national et le logo du pays. L’objet traditionnel est réalisé à partir de fûts ; on travaille sur la tôle même du tonneau. C’est un contenant en métal. On peut dire que l’instrument de musique est fabriqué à partir d’objets de récupération, puisque à l’origine le tonneau est destiné à stocker et transporter de l'essence, du pétrole ou de l'huile... L'île de Trinidad possède du pétrole, et le premier forage a lieu en 1870. A partir de 1902 à 1905, la production de pétrole prend beaucoup d’essor. Le pan (steel pan) naîtra à la fin des années 1930, et en 1945 il devient l'instrument emblématique de l'île.
Les steel drums ou steel pans sont réalisés à partir de bidons et différents autres objets de récupération. En fonction de son gabarit l’objet est sectionné et la face inférieure est emboutie puis martelée pour y réaliser un ensemble de facettes destinées à l'émission d'un son qui résonne comme une cloche. Les différentes facettes sont accordées sur une gamme tempérée.
Le répertoire. Le répertoire du steel band est vaste. Le calypso de renommé mondiale est un style de musique afro-caribéenne né au milieu du XIXe siècle à Trinidad. Ce serait l'arrivée des planteurs français et leurs esclaves au XVIIIe siècle, qui va favoriser l’expatriation de ces rythmes d’abord vers la Barbade, Sainte-Lucie, la Dominique et plus loin. Le carnaval de Trinidad a pour tradition de réinterpréter les calypsos de l'année en cours. Ce serait l'interdiction des tambours durant les manifestations qui aurait eu en réponse l’usage des steel pan, ou steel drums comme instrument de remplacement.
Qu’est-ce que le steel pan ? De nos jours le steel pan, ou encore steel band (orchestre d’acier), stilbann en créole, est enseigné par Jean-Michel Calmo au SERMAC, Chantal Rémion aux classes CHAM (Classes à Horaires Aménagés en Musique), Michel Laurol à Lakou Sanblé Matinik de Schoelcher. On trouve mais depuis peu des puristes martiniquais qui lui préfèrent le mot steel pan, pan signifie casserole en anglais.
Les noms sont nombreux on peut aussi dire le steel drum du mot anglais qui signifie tambour d’acier. C’est un instrument de percussion idiophone ou auto phone mélodique dont le son est produit par le matériau qu’est l'instrument lui-même, lors d'un impact provoqué par un accessoire extérieur, la mailloche. Le musicien, en frappant les facettes internes de l’instrument avec de petites mailloches joue du pan. Une mailloche est composée de deux parties : le manche en bois ou autres matériaux, et la tête de forme généralement ronde, qui est recouverte de peau. L'émission sonore résulte de la frappe de la mailloche sur le matériau résonnant composé uniquement de métal. La musique a des sonorités harmonieuses qui favorisent une belle mélodie et l’accord des instruments permet un arrangement de type symphonique. Le pan peut être utilisé pour jouer toutes les parties d'une œuvre musicale ou d'un morceau de musique. Il s’est répandu dans des orchestres dits steelbands, typiquement composés de plusieurs de ces instruments différents. Il ne faut pas le confondre avec le xylophone qui a des lames de bois.
Les nombreux types de pans. Selon les Archives Steel drum/musical instrument, Encyclopedia Britannica, « il existe de nombreux types de pans, des graves des aigus et des médiums, le traditionnel, pan around the neck (casserole autour du cou) un seul par musicien, ou le conventionnel, chaque section chromatique donc plusieurs bidons par musiciens. Dans les orchestres conventionnels, les pans aigus, appelés « frontline » première ligne, comportent une trentaine de notes sur un ou deux bidons, les médiums ont vingt à trente notes sur deux à quatre bidons, les basses une vingtaine de notes sur quatre à douze bidons. Les pans médiums et basses sont appelés « background » ce qui en français signifie arrière-plan. » De nos jours, on fabrique les instruments avec des tôles plates transformées en cuvette dont les surfaces sont formées, moulées et accordées.