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Temple Tamoul à Saint-Pierre. iStockPhoto.com - Aurore Kervoern.jpg

Colonisation et catholicisme

Le catholicisme, au travers de ses différents courants, est la première religion officiellement autorisée sur l’île, l’éducation et l’évangélisation faisant partie des missions de la Compagnie orientale des Indes qui administre la colonie à ses débuts. Ainsi la première chapelle est érigée dès 1667 dans le quartier du vieux Saint-Paul. Pourtant, peu nombreux sont les prêtres qui à l’époque souhaitent venir s’installer sur une île lointaine et déserte. Les premiers représentants religieux seront donc les missionnaires capucins, puis lazaristes bâtisseurs et enfin spiritains, souvent portugais, brésiliens ou encore italiens. Ce n’est qu’en 1850 que le pape Pie IX fait de Bourbon un évêché. Depuis la liberté de culte a été instaurée mais la religion catholique reste la plus importante à la Réunion. La fête de la Salette célébrée en septembre à Saint-Leu donne lieu à trois jours de pèlerinage, certaines communes donnant même des jours de congé à leurs employés pour l’occasion. La religion étant moins taboue qu’en métropole, les créoles manifestent leur piété au bord des ravines, dans le creux des falaises, sous forme de ti’bon Dieu, petites chapelles et oratoires surmontés d’une croix, avec une Vierge au Parasol ou une Vierge noire. On vient y déposer des offrandes, allumer des bougies, accrocher des ex-voto. On collectionne aussi des personnages légendaires : la Buse, Sitarane, saint Expédit, dotés de pouvoirs magiques. Au cours de votre séjour, n’oubliez pas de visiter ces lieux très évocateurs et paysagers que sont les cimetières…

Engagisme et hindouisme

À partir de 1848, l’engagisme remplace l’esclavage et de nombreux Indiens s’installent à la Réunion, principalement autour des grandes usines sucrières. Leur contrat les autorise à pratiquer leur religion, mais dans les faits l’hindouisme considéré comme un culte païen, ce qui les force à pratiquer surtout dans les maisons ou les usines. Les premiers temples officiels, financés par une génération d’Indiens désormais plus aisée, ne sont construits qu’au début du XXe siècle. Très colorés, ils illuminent les paysages réunionnais et chaque temple est dédié à une divinité particulière. Les personnages récurrents sont Brahma le Créateur, Vishnou le Conservateur du monde, et Shiva le Destructeur, qui constituent la trinité hindoue. La déesse Kali, très populaire à la Réunion, intervient en tant que manifestation de ce temps construit et déconstruit par Shiva. Parmi les grandes cérémonies effectuées dans ces temples, on trouve l’impressionnante marche sur le feu réalisée par les hommes, les femmes et parfois même les enfants au début du mois de janvier et mi-juillet. Elle est souvent précédée d’une parade colorée autour du temple, à laquelle les visiteurs peuvent assister, à condition bien sûr de respecter le déroulement de la cérémonie. Les communes offrent au grand public de majestueuses cérémonies pour le Cavadee en mai et Dipavali en octobre, avec danses, chants et feux d’artifice. À ne manquer sous aucun prétexte. Pour ce qui est de la visite des temples, elle est autorisée mais fait l’objet de règles à respecter qui sont le plus souvent inscrites à l’entrée. Dans le vocabulaire réunionnais on parle de « Malbar » pour désigner les Réunionnais d’origine indienne en référence à la côte de Malabar (ouest), mais en réalité la plupart viennent de la côte est (côte de Coromandel).

Islam et commerce

Présent depuis le début de l’esclavage, l’islam est officiellement interdit jusqu’à l’abolition en 1848. Avec les débuts de l’engagisme se développe le commerce du tissu, et de nombreux Indiens de la région du Gujarat s’installent sur l’île pour favoriser les échanges commerciaux Inde-Réunion, formant les premières communautés musulmanes. La première mosquée est construite au centre-ville de Saint-Denis au début du XXe siècle, puis une autre à Saint-Pierre. Aujourd’hui, les communautés musulmanes sont propriétaires de la plupart des commerces des centre-ville, dont les loyers participent au financement et à l’entretien de la mosquée. Ainsi les horaires d’ouverture des magasins sont bien souvent calés sur ceux de l’appel à la prière qui résonne une à plusieurs fois par jour selon la commune. Avis aux curieux : certaines mosquées très fréquentées sont ouvertes au public. C'est le cas de la mosquée Noor-e-Islam, autrement dit « la Lumière de l’islam », l'une des plus anciennes de France. Située dans la rue Maréchal-Leclerc en plein cœur de Saint-Denis, vous n'aurez aucun mal à la trouver. Celle de Saint-Paul mérite elle aussi le détour. Vous serez sans doute surpris d’entendre le mot « zarab », employé ici sans tabou et sans connotation quelconque, pour désigner cette communauté religieuse, mais il s’agit d’un abus de langage réunionnais car les pratiquants sont le plus souvent indo-musulmans.

Taoïsme, bouddhisme et confucianisme

On estime à quelque 15 000 personnes les Réunionnais d’origine chinoise. Parfaitement intégrés, ils ont même adopté la religion catholique pour certains. C’est avec l’engagisme qu’a commencé une immigration régulière, donnant naissance à une véritable communauté qui a rapidement élaboré une activité commerciale à laquelle leur origine rurale ne les prédisposait pourtant pas. Les Chinois se sont spécialisés dans l’alimentation, que ce soit le petit boutiquier qui vend du vin, du charbon de bois et des produits de première nécessité, ou bien le grossiste qui importe grains et riz en grosses quantités. Les Réunionnais d’origine chinoise ont adopté le catholicisme, mais perpétuent certains cultes populaires. On ne parle pas forcément de religion, mais plutôt de philosophie. Elles représentent Lao-tseu (taoïsme), Bouddha, Confucius ou encore Gwan Di. Là encore, vous aurez peut-être l'opportunité de pénétrer dans les beaux temples bouddhistes de l'île, notamment à l'occasion du nouvel an chinois, célébré dans la plupart des communes avec chants, danses du dragon et lâcher de lanternes.

Croyances populaires et figures masculines emblématiques

Il suffit de se rendre dans certains cimetières pour s’apercevoir que les créoles ont des rites peu catholiques. Madagascar et ses esprits ne sont pas loin de cette petite île, où les rites africains sont mêlés à de vieilles superstitions. Les Réunionnais de toutes confessions vouent aussi un culte à certains personnages incontournables comme saint Expédit. Où que vous soyez sur l’île, vous verrez en bordure de route ou sur les sentiers des petites chapelles rouges appelées aussi ti’chapelle bon Dieu qui lui sont dédiées. Représenté par un soldat romain en cuirasse, à la cape rouge, tenant dans sa main une croix, où est écrit « Hodie » (aujourd’hui), et écrasant du pied un corbeau qui porte l’inscription « Cras » (demain), il est le saint que l’on prie pour exaucer un souhait rapidement, mais aussi pour se venger de quelqu’un. Parmi les autres hommes emblématiques de l’ile trône Sitarane. Ce mythe réunionnais repose sur l’histoire réelle de Simicoundza Simicourba, de son surnom Sitarane, ouvrier agricole modèle et sans histoire. Mais en 1909, il rencontre deux compères avec qui il forme un trio de cambrioleurs sévissant sur toute l’île, endormant leurs victimes et répandant la peur dans les foyers. L’un d’entre eux prétendant avoir des pouvoirs magiques pousse ensuite le trio à commettre d’innombrables meurtres pour recevoir le don d’invisibilité. La population terrorisée leur prête alors de nombreux pouvoirs surnaturels. Rattrapés par la police, Sitarane est condamné à mort. Baptisé juste avant d’être exécuté, il est considéré comme lavé de tout péché, et bénéficie ainsi d’une certaine ferveur. On l’invoque pour une guérison, pour se protéger des dangers et repousser les ennemis. La tombe de Sitarane au cimetière de Saint-Pierre est devenue un lieu de dévotion, d’étranges messes noires s’y déroulant.

Femmes et légendes

Côté légendes, les personnages féminins ne sont pas en berne à la Réunion. S’il ne fallait en retenir qu’une ce serait bien sûr grand-mère Kalle (ou Granmèr Kal). Cette croyance répandue a été si déformée qu’il est aujourd’hui impossible de retrouver le sens originel ; il y a de multiples versions. Une première histoire raconte que Kalle était une nénène douce et gentille vivant chez des Blancs le long de la rivière d’Abord, à Saint-Pierre (la nénène était à l’époque une sorte de gouvernante-bonne chargée de tenir la maison et d’élever les enfants). Elle élevait un enfant noir malicieux qui, lors d’une de ses péripéties, tomba dans la rivière. Kalle tenta de sauver l’enfant, mais tous deux furent emportés par les flots. La voix de l’âme de Kalle s’exprimerait par celle d’un oiseau, le tuit-tuit, qui ne vit justement que dans le coin. Une autre version raconte que Kalle était la fille d’un Noir marron qui, lors de sa fuite, n’avait pas eu le temps de récupérer sa fille. Kalle fut alors élevée par les Blancs, ce qui fit enrager le Noir marron. Ce dernier captura alors Kalle qui disparut pour toujours. L’oiseau serait le chant plaintif de la jeune fille. Toujours est-il que les enfants vous raconteront que si vous entendez un son faisant « tout tout » la nuit venue, cela annonce malheur : c’est sans doute grand-mère Kalle qui vient vous manger. 

Une autre figure féminine emblématique est la Vierge noire. Elle aurait sauvé la vie de Mario, un jeune esclave en fuite ardemment recherché. Appelée aussi « Mère noire », son nom est tiré de la couleur de la statue, en bois d'ébène, mais elle est aussi devenue, par son action, la protectrice des esclaves. Sa statue se trouve encore là où Mario l'avait placée, à la Rivières des Pluies, dans la commune de Sainte-Marie. La statue est aujourd'hui encore fleurie et vénérée, et chaque année des processions massives ont lieu pour l'honorer. Qu'on y croie ou pas, observer un tel événement est toujours intéressant.

Enfin, la plus mystérieuse est la Vierge au Parasol. Initialement déposée dans les champs par un agriculteur de Bois-Blanc pour protéger ses récoltes, la statue de cette Vierge abritée d’un parasol est la seule rescapée d’une coulée de lave : le feu détruit tout sur son passage mais semble contourner la Vierge qui reste intacte. Alors déplacée sur la route des laves, le long de la RN2 pour la protéger des futures éruptions, elle n’échappe pas à la coulée de lave de 1961 qui l’ensevelit. Une réplique est alors moulée puis placée à piton Sainte-Rose, avant de repartir au Grand-Brûlé. Constamment fleurie, les Réunionnais font encore appel à elle pour protéger les habitations d’une éventuelle éruption dévastatrice et chaque année la messe de l’Assomption lui est dédiée. Depuis, la statue a toutefois été profanée à plusieurs reprises et a trouvé refuge à l’intérieur de l’église Notre-Dame-des-Laves où elle est surveillée, mais les débats continuent sur un éventuel retour au Grand-Brûlé.