Le défi de la vie chère
Caractère insulaire oblige, une grande majorité des objets de consommation et d’alimentation sont importés d’Europe et de métropole. Au prix initial s’ajoute donc celui du transport et les taxes d’entrée sur le territoire. Les loyers sont parmi les plus élevés de France, les voitures coûtent 30 % plus cher, l’alimentation entre 0 et 100 % de plus suivant les produits. Le low cost est quasiment absent, que ce soit en matière de téléphonie, d’Internet, d’aérien ou de supermarchés discount. Pour essayer de compenser, le taux d’imposition est légèrement aménagé par rapport à la métropole, mais les salaires ne le sont pas, sauf ceux des fonctionnaires. Il en résulte de grandes disparités sociales et des tensions qui s’expriment lors des mouvements sociaux comme en 2009 ou en 2018 pendant la longue et violente crise des gilets jaunes. En réponse, le préfet peut bloquer le prix de certains aliments pour éviter des envolées démesurées en période de crise et une liste de produits de consommation types à prix négociés est régulièrement dressée, mais cela semble bien peu. En 2020, la crise du Covid-19 et le confinement ont une fois de plus révélé la dépendance de l’île aux produits métropolitains. La tendance est donc au développement des circuits courts et à la consommation locale, l’île ayant la chance de bénéficier d’un sol fertile.
La question du chômage
Comme pour d’autres départements d'outre-mer, la transition démographique de l’île n’est pas achevée : la médecine moderne a bien diminué la mortalité au niveau de la métropole, mais la fécondité est encore légèrement supérieure et surtout sa baisse est récente. Résultat : la population active est jeune, en augmentation, et afflue sur le marché du travail où les nouveaux emplois sont insuffisants malgré une économie très dynamique. Ajoutez à cela le faible niveau de formation (22 % de la population est illettrée et un tiers n’a aucun diplôme), il en résulte un taux de chômage de 30 % en moyenne et de 60 % chez les jeunes de moins de 25 ans. Les jeunes diplômés émigrent en masse vers des cieux plus cléments, principalement la métropole où ils bénéficient d’aides de la région, et depuis plus récemment vers Londres, le Canada ou l’Australie. L’exil est en effet accompagné et encouragé depuis les années 1960 avec le programme Bumidom jusqu’aux dispositifs CNARM et de l’ANT aujourd’hui, afin d’y trouver emploi et expérience, mais le retour n’est pas toujours facile…
Une conscience écologique grandissante
À l’image de la métropole, la Réunion se tourne petit à petit vers le vert. Et pour cause : l’écologie est un enjeu crucial lorsqu’on vit sur une île, que ce soit au niveau de la gestion des déchets, du partage de ressources et des espaces limités, ou des produits relâchés dans l’océan. Les Réunionnais sont sensibles à cette si belle nature qui les entoure et les initiatives pour une production locale et des circuits courts se sont multipliées, mais elles sont encore essentiellement d’origine associative ou citoyenne. Parmi les actions phares, on notera la création d’une réserve marine, du parc national et d’une zone Ramsar, mais aussi les « nuits sans lumières », mois pendant lequel les communes éteignent les éclairages publics pour ne pas perturber les jeunes pétrels qui apprennent à voler, les sorties pour ramasser les déchets sur les plages, et le passage aux assiettes et couverts en carton et bambou dans presque tous les événements publics. Si le « fait main » est beaucoup plus ancré sur l’île qu’en métropole, l’écologie est comme partout ailleurs une affaire de priorités, et ne fait pas encore partie de celles des populations les plus défavorisées. Ainsi dans les quartiers populaires il n’est pas rare de voir les parcs pour enfants recouverts de détritus à la fin du week-end, ou une voiture désossée côtoyer une machine à laver sur un parking. Reste enfin la question de la pollution automobile et l’idée bien ancrée dans les esprits que toute personne majeure ou en passe de l’être doit posséder sa propre voiture pour survivre à la Réunion, d’où les légendaires bouchons de la route du littoral. Pourtant le réseau de transports en commun, s’il n’est pas dans le cœur des Réunionnais, est bien présent et fonctionnel.
Vers une autonomie énergétique
Qui dit environnement dit aussi énergies renouvelables. Pratiquement un tiers de l'électricité de l'île est produite par la combustion de la bagasse, un résidu de la production de canne à sucre. Une partie est aussi produite par des barrages, des centrales thermiques et les panneaux solaires, qui se sont bien développés ces dernières années sur les toits des entrepôts et les parkings de supermarchés. Quelques éoliennes ont aussi fait leur apparition, avec des pales démontables en cas de cyclone. La Réunion est également un des départements les mieux équipés en chauffe-eau solaires de France, ce qui semble logique car il y a du soleil, mais pourtant le taux d’équipement reste derrière celui de l'Allemagne ! Bien que la Réunion ait produit 100 % de son électricité par le renouvelable dans les années 1980, l'explosion de la consommation a fait que la part du pétrole et du charbon est revenue à la hausse. Néanmoins la Réunion reste une île ayant beaucoup recours au renouvelable, à tel point qu'elle projeta d'y revenir à 100 % dans le cadre d'un vaste projet politique intitulé Gerri. Cet acronyme, qui signifie Green Energy Revolution: Reunion Island, est un programme lancé par l’État, la région et le département, ayant pour but de faire de la Réunion un modèle écologique en matière de production et de consommation d'énergie à l'horizon 2030. Dans ou hors de ce cadre, les projets innovants ne manquent pas : énergie houlomotrice, géothermie… Un beau rêve pour 2030, mais nombre de ces projets restent en cet état, faute de financement ou d'engagement politique. Concrètement, la nouvelle centrale de 210 MW au fioul lourd du Port a été inaugurée en 2013, tandis que Gerri a été dissous, la même année, après des révélations sur des salaires mirobolants et le manque d'actions concrètes.
Une population grandissante dans un espace limité
Un des principaux enjeux du développement de l’île est la croissance démographique. La population atteindra 1 million d’habitants en 2027 (d’après l’Insee). Il faudra d’ici dix ans construire de quoi loger 100 000 habitants de plus et faire circuler au moins 50 000 voitures supplémentaires, tout en préservant l’espace pour l’agriculture et les espaces naturels, sachant que les logements et les emplois existants sont déjà largement insuffisants. Un véritable casse-tête. La « solution » à court terme, loin d'être idéale, reste l'émigration. Depuis longtemps les jeunes Réunionnais, bien formés, sont encouragés à partir travailler en métropole : près de 200 000 Réunionnais vivraient actuellement en métropole. À long terme, il s’agit essentiellement de densifier l’habitat existant en construisant des bâtiments toujours plus hauts, en évitant le grignotage des terres par les zones résidentielles, et à condition que des transports en commun adaptés soient prévus en même temps.
Un tourisme réinventé
Depuis la crise du requin de 2011 et son fort impact médiatique, le tourisme réunionnais a dû se réinventer. Nombreuses activités nautiques se sont arrêtées : pratique du surf, de l’optimiste, du bateau à pédales, des bouées tractées, etc., entraînant une paralysie des stations de bord de mer autrefois vibrantes comme Boucan-Canot et Saint-Gilles-les-Bains qui n’ont pas la chance d’être protégées par un lagon. En contrepartie, la Réunion s’est tournée vers l’intérieur, diversifiant ses activités terrestres : canyoning, randonnée, spéléologie, trail, parapente, rafting, musées, visites guidées. En quelques années, l’île est donc passée avec succès d’une destination farniente à une destination sportive et culturelle. Bien entendu, la mer reste bien présente et les sorties en plongée sous-marine ou à la rencontre des dauphins et baleines restent très populaires, mais les sommets escarpés lui ont volé la vedette. En 2020, l’enjeu pour le monde du tourisme n’est donc plus de consolider l’offre, mais surtout la demande : la Réunion stagne depuis de nombreuses années autour de la barre des 800 000 visiteurs. Le profil type du visiteur est un métropolitain d’une cinquantaine d’années restant sur l’île deux ou trois semaines pour rendre visite à un ami ou un membre de sa famille installé sur place. L’objectif actuel pour la région est donc de diversifier l’origine des touristes en se faisant connaître à l’international. La technique a déjà fait ses preuves avec le public germanophone et les croisiéristes, reste à l’intensifier et la faire perdurer.
Une agriculture entre perfusion et autosuffisance
La canne à sucre est l'une des principales ressources de l’île (près de 2 millions de tonnes par an, 12 000 emplois). Elle représente 50 % des exportations de la Réunion, soit 150 millions d’euros par an. L'île est le premier producteur européen. Mais bien plus que ça, avec 58 % des surfaces cultivées, la canne a façonné la personnalité de la Réunion, a modelé ses paysages et joué un rôle primordial dans l’histoire et la culture réunionnaises. Toutefois, les quotas sucriers, favorisant la production sucrière dans les DOM, se sont arrêtés en 2017, et ce secteur très coûteux ne survit aujourd’hui que grâce aux aides de l’État. À l’inverse, le développement du marché agroalimentaire intérieur est une des plus belles réussites économiques de l’île. La filière animale produit porcs, vaches, volailles, ce qui a permis de préserver des emplois dans les Hauts, qui font vivre quelque 4 000 familles. Les autres productions agricoles réduisent la dépendance aux importations : fruits, légumes, élevage et pêche assurent ainsi plus de 300 millions d’euros de revenus par an. Saviez-vous que l’on produit du vin, du fromage et même du foie gras sous les tropiques ? Résultat : la Réunion est autosuffisante en porc et œufs, produit 30 % du bœuf et 65 % des volailles qu’elle consomme.