La Réunion, une île parmi les îles
Nombreux sont les Français qui, encore aujourd’hui et malgré l’omniprésence des médias, placent à tort la Réunion dans les Caraïbes. Et pour cause, il faut zoomer, zoomer et encore zoomer pour voir apparaître l’île sur un globe, au sud-ouest de l’océan Indien, à 200 km au nord du tropique du Capricorne et à quelque 9 000 km au sud de la métropole. À peu près ovale, l'île mesure environ 70 km de long sur 50 km de large, soit 217 km de circonférence et 2 512 km² de superficie, loin derrière la Nouvelle-Calédonie (environ 18 000 km²) et la Corse (8 680 km²), mais devant la Guadeloupe (1 800 km²) et la Martinique (1 128 km²). Si elle est loin de la maison mère, elle est proche géographiquement, historiquement et culturellement de nombreuses autres îles de l’océan Indien : à l'ouest, Madagascar se trouve à 680 km et les côtes africaines à 1 700 km, au nord, les Seychelles sont à 1 800 km et l’Inde à 4 000 km, à l’est, sa voisine la plus proche est l’île Maurice à 180 km puis l’île Rodrigues à 800 km. Au-delà, aucune terre à l'horizon sur 6 000 km, jusqu’à l’Australie ; tandis qu'à 3 000 km au sud se profilent timidement quelques possessions françaises méconnues, les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) : les îles Crozet, Kerguelen et Amsterdam. Habitées uniquement par quelques scientifiques, leur siège administratif est à la Réunion.
La plus jeune et montagneuse des Mascareignes
Depuis le passage des navigateurs Portugais au XVIe siècle, la Réunion forme avec ses voisines de l’est, Maurice et Rodrigues, l’archipel des Mascareignes. Les trois îles sont les « petites dernières » d’une série de reliefs issus d’un seul et même point chaud, actuellement situé sous la Réunion, qui les a façonnées l’une après l’autre. À titre de comparaison, Rodrigues, la plus vieille et donc la plus plate, est aussi la plus petite. Elle culmine à 398 m et accueille 38 000 habitants sur ses 110 km². Vient ensuite Maurice, la plus peuplée avec environ 1,2 million d’habitants. Son plus haut sommet est à 828 m d’altitude et sa superficie est de 1 865 km². Enfin, la Réunion est la plus grande, la plus jeune et surtout la plus montagneuse avec les 3 070 m du piton des Neiges. Elle n’est toutefois pas la plus peuplée, avec environ 860 000 habitants en 2019. La Réunion est toutefois le territoire d’outre-mer le plus peuplé, loin devant la Guadeloupe qui est en seconde position avec 390 000 habitants en 2019 (chiffres Insee).
Une île façonnée par la lave
La Réunion est une île tropicale, montagneuse et volcanique. Son relief est surprenant, audacieux et d’une diversité phénoménale : émergée de l'océan il y a trois millions d’années contre cinq pour Maurice, la plus jeune des Mascareignes a été très peu limée, polie, adoucie par l'érosion. Brute de décoffrage, l’île est née de la projection de magma de ses deux volcans : d'abord le piton des Neiges, endormi depuis 12 000 ans, puis le piton de la Fournaise, émergé il y a 500 000 ans et aujourd'hui un des volcans les plus actifs du monde. Si les étendues arides de lave séchée tapissent les pentes de la Fournaise, où ne pousse qu’une végétation chétive, la nature est exubérante sur le reste de l’île. Dans quelques millions d’années, la Réunion ressemblera sans doute à Maurice, plate et entourée de lagons. Pour l’instant, seuls quelques kilomètres de barrière corallienne se sont formés, abritant de superbes lagons et de belles plages dans l’Ouest et le Sud, tandis que 90 % des côtes sont faites de galets ou de falaises déchiquetées par la puissante houle de l’océan Indien. Encore quelques millions d’années pour avoir des plages plus belles encore et des montagnes moins hautes. Jusqu'à ce qu'un jour, le jardin d’Éden finisse par s'en aller comme il est venu, disparaissant à nouveau au fond de l'océan.
La brusque formation des cirques
La Réunion est dominée par deux sommets, le piton des Neiges (3 070 m) et le piton de la Fournaise (2 632 m). Le sommet de l’île, si le cône était parfait, dépasserait les 5 000 m d’altitude. Mais il y a un million d’années, les chambres magmatiques du piton des Neiges se sont effondrées, pour former trois gigantesques cuvettes : les somptueux cirques de Cilaos, Mafate et Salazie. Formant un trèfle de 20 km de largeur et de 1 500 m de profondeur en moyenne, ces monumentales crevasses accusées de gorges et de pitons sont enclavées par des remparts abrupts de près de 1 km de haut, protégeant un monde isolé de l'agitation du littoral, hors de l'espace et du temps. Ils forment le cœur du parc national et sont inscrits au patrimoine de l’humanité. Le fond des cirques, au relief chaotique, acéré et très vertical, varie entre 500 m et 1 500 m d’altitude. Creusés par des milliers d’années de précipitations, les cirques sont tailladés de nervures dans lesquelles ravines et cascades percent la roche basaltique. Dans chacun des trois cirques, une seule rivière concentre l’écoulement des eaux : la rivière du Mât pour Salazie, le bras de Cilaos pour Cilaos, et la rivière des Galets pour Mafate, chacune serpentant dans des gorges monumentales. En bas de ces trois rivières, des plaines littorales se sont formées avec les dépôts alluvionnaires : celles de Saint-Louis, Le Port et Saint-André. Comparable à un torrent de montagne en hiver (austral), la rivière des Galets peut par exemple atteindre le débit du Rhône en période cyclonique ! Elle a d’ailleurs longtemps menacé la ville du Port, nécessitant d’énormes travaux d’endiguement pour sécuriser son écoulement.
Une île en pièce montée
En dehors des cirques, l’extérieur de l’île descend en pente régulière de 8 % à 9 % de la crête jusqu’à la côte. Les paysages et les microclimats varient à mesure que l’on approche du niveau de la mer, ce qui a facilité une colonisation verticale de l’île, en plantant des espèces différentes selon le climat qui leur est le plus favorable. Le meilleur exemple est bien sûr la canne à sucre qui occupe toutes les mi-pentes et le géranium dans les Hauts plus frais. L’urbanisation suit aussi une courbe parallèle à l’altitude : les Bas sont très denses et concentrent l’essentiel des villes, les mi-pentes sont moyennement peuplées bien qu’en expansion, tandis que dans les Hauts les habitants se font plus rares. La douceur de ce paysage est néanmoins entaillée de profondes ravines qui ont longtemps constituées des barrières naturelles infranchissables. Il a fallu construire des milliers de ponts souvent impressionnants (gardez les yeux sur la route) ainsi qu’une infinité de radiers et de gués.
Les principaux écosystèmes de l’île
Le milieu océanique : au large de l’île, au-dessus des profondeurs abyssales de l’océan (4 000 m), c’est le domaine des grands prédateurs et des mammifères marins. Marlins, espadons, voiliers, daurades, carangues, requins croissent et permettent aux pêcheurs de s’y donner à cœur joie. Les baleines sont présentes de juillet à octobre, tandis que les dauphins et tortues jouent autour des côtes réunionnaises toute l’année.
Le milieu lagunaire : de faible étendue, le lagon est riche mais fragile. Formé par l’accumulation pendant des millions d’années du squelette d’un petit animal, le polype, le corail forme une barrière au large, protégeant un lagon calme à 27 °C où la vie est exubérante. Plusieurs sites de plongée de toute beauté n’ont rien à envier aux récifs coralliens les plus célèbres du monde. Les poissons tropicaux multicolores habitent les fonds lagunaires et sont nombreux près des passes et le long du tombant.
Les régions littorales : avec une température variant entre 23 °C et 35 °C tout au long de l’année, il se forme deux écosystèmes bien distincts suivant que l’on se trouve sur la côte sous le vent (ouest) ou la côte au vent (est). À l’ouest, sec car protégé des montagnes, la plage est couverte de filaos, bien plus présents que les cocotiers. Au sud, ce sont plutôt les vacoas qui investissent les côtes rocheuses. En montant légèrement, les activités humaines se consacrent principalement à la culture de la canne à sucre et aux vergers de fruits tropicaux (mangues, bananes, papayes…).
Les régions de moyenne altitude : au-dessus de cette altitude, les forêts sont plus nombreuses et les cultures plus éparses et plus petites. Les forêts se parent de bois de couleur, de tamarins, de cryptomerias, de palmistes, puis de fougères arborescentes aux différentes teintes vertes, sur un fond de mousses parfois très denses et spongieuses. C’est aussi la région des plantes à parfums ; le géranium, le vétiver y sont cultivés puis distillés. Là encore, suivant l’exposition aux alizés et l’altitude, la forêt est plus ou moins touffue. Dans les hautes plaines, on élève des vaches ; dans les cirques, les pêches, les poires et la vigne poussent.
La haute montagne : au fur et à mesure que l’on grimpe, la végétation se fait plus chétive. À partir de 2 000 m, les forêts laissent place à des pelouses de montagne, quelques fougères, ajoncs, bruyères. Plus haut, l’univers devient carrément minéral, la roche est à nu… et pas de sapins enneigés à l'horizon.
Les terres volcaniques : le territoire du volcan est principalement encadré par les remparts de l’enclos Fouqué qui délimite la région, vaste d’une centaine de kilomètres carrés, où coulent les laves. Il faut plusieurs dizaines d’années avant que la végétation ne commence à conquérir les coulées desséchées. Ce sont d’abord des lichens qui croissent sur les jeunes laves, constituant ainsi peu à peu des réserves d’humus, qui seront le terreau d’une future forêt. L’eau, la terre et le végétal forment encore un mélange imprécis au début, mais le processus est le même partout, tout dépend ensuite des précipitations. Du côté de Sainte-Rose, le volcan est particulièrement arrosé, tandis que du côté de La Plaine-des-Sables, un paysage désertique domine.