Peintures, sculptures, objets d’art : le cardinal Fesch, premier grand collectionneur corse
Difficile de parler de peinture en Corse sans mentionner le cardinal Fesch, premier grand collectionneur d’art qui joua un rôle très important dans la circulation des œuvres en Corse. Oncle de Napoléon, ce passionné réunit de son vivant une quantité d’œuvres époustouflante, principalement de la peinture italienne, mais aussi des chefs-d’œuvre de l’école hollandaise et flamande (Potter, Berghem, Winants, Ryusdael, Hobbema) ainsi que de nombreux Poussin, peintre à qui il vouait une admiration sans limites. La collection du cardinal Fesch constitue également une admirable galerie de portraits : c’est le fonds le plus important de représentations de membres de la famille Bonaparte, ce qui lui donne une grande valeur historique. Elle compte aussi quelques sculptures, dont les œuvres de grands artistes comme Lorenzo Bartolini, Antonio Canova, Jean-Baptiste Carpeaux ou Raimondo Trentanove.
Le cardinal laissa ainsi derrière lui une collection de plus de 17 000 objets d’art, un record pour l’époque ! Bonne nouvelle : une grande partie d’entre eux sont aujourd’hui visibles au Palais Fesch – Musée des Beaux-arts à Ajaccio, qui représente l’une des plus importantes collections de peinture italienne des musées de France. La construction de ce palais commença en 1828 selon la volonté du cardinal, qui voulait créer dans sa ville natale un Institut des Arts et des Sciences pour éduquer les jeunes Corses, mais elle ne fut achevée qu’après sa mort sous le Second Empire. Aux œuvres rassemblées par le cardinal Fesch s'ajoutent au fil du temps de nouvelles toiles, dont celles de peintres corses les plus importants. On peut admirer aujourd’hui, dans un département entièrement dédié à la peinture corse, une sélection d’œuvres des chefs de file de l’école insulaire.
Le développement d’une peinture insulaire au XIXe siècle
C’est à partir du milieu du XIXe siècle, que la Corse commence à voir le développement d’une peinture locale, avec un intérêt accru pour le travail des peintres insulaires et la multiplication d’initiatives pour la promouvoir. C’est souvent en Italie ou en France que ces derniers sont formés. En regagnant la Corse, ils s’attachent à dépeindre son magnifique patrimoine naturel et c’est une peinture de paysage qui se développe avant tout. Dans cette veine, plusieurs d’entre eux atteignent une renommée nationale et internationale, comme Jean-Luc Multedo, Lucien Peri, Jean- Baptiste Bassoul ou François Corbellini.
Ce dernier commence à peindre dès son plus jeune âge sa ville natale, Ajaccio, et ses environs, puis il s’attaque au reste de la Corse, ses villages, ses campagnes, ses côtes, notamment Piana et ses calanques. Ses peintures à l’huile expriment à merveille la lumière à la fois douce et colorée de l’île et dépeignent ses habitants avec une sincérité touchante. Dans un style tout à fait différent, moins détaillé, plus rapide d’exécution, Lucien Peri s’est attaché lui aussi à montrer toute la beauté de son île natale. Très diffusé sur le continent, il fait son premier envoi au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts en 1910. On retrouve de lui non pas seulement des toiles, mais aussi de nombreuses lithographies et chronophotographies, les plus connues étant les affiches de promotion touristique réalisées pour la compagnie de transport Paris-Lyon-Méditerranée.
Une autre tendance dans l’art insulaire de l’époque est la peinture ethnographique, dont l’un des représentants les plus notables est Léon Canniccioni. Élève à l’École Nationale des Beaux-Arts de Paris, il se fait remarquer en 1909 au Salon où il reçoit une médaille de troisième classe pour sa toile La Douleur d’Orphée, qu’on peut aujourd’hui admirer au Palais Fesch. Cette toile assez classique n’est cependant pas la plus représentative de son travail, qui s'oriente par la suite vers des scènes plus réalistes. Dans une veine impressionniste, ses toiles s’attardent avec affection sur la vie rurale corse et ses coutumes, et constituent ainsi des ressources importantes pour comprendre la Corse d'alors. Pas de message social ou politique dans ce travail, mais une vision tendre et simple du mode de vie corse, une attention presque ethnographique portée à ses habitants. On y remarque notamment un brassage culturel insoupçonné entre la Corse et le monde oriental.
Les paysages corses sublimés par la photographie
Le lieu de référence pour découvrir la photographie est le Centre Méditerranéen de la Photographie, situé à Bastia. Depuis 1990, celui-ci a pour vocation de doter l’île d’un lieu permanent pour la photographie, il regroupe ainsi une collection de plus d’un millier d’œuvres réalisées par de grands photographes, corses ou étrangers, sur la Corse et la Méditerranée principalement. Tous les genres sont représentés, aussi bien le photojournalisme que la photographie documentaire ou plasticienne. C’est aussi un lieu de réflexion et de création, avec des évènements, colloques, ateliers, actions pédagogiques organisés régulièrement. Le Centre Méditerranéen de la Photographie mène, notamment depuis 1994, un programme de commandes photographiques sur la Corse avec des thématiques et des genres différents.
Parmi les artistes représentés, on a pu y admirer les œuvres de Christelle Geronimi, photographe corse dont le travail est lié à la question de la mémoire, mêlant ses souvenirs d’enfant et les paysages naturels qui l'ont vu grandir, avec lesquels elle entretient un rapport très intime. Dans un tout autre genre, le photographe Antoine Giacomoni s’intéresse à ses racines corses à travers le portrait. D’abord reporter international, il photographie de nombreuses personnalités du monde du rock avant de revenir à son île natale. Depuis les années 2000, il travaille à partir d’un dispositif de prise de vues à travers un miroir derrière lequel il photographie des personnalités de la scène artistique corse ou des membres de son entourage, dans une série intitulée La Corse à travers le miroir. Du côté des photographes étrangers inspirés par l’île de Beauté, on remarque le travail de Jane Evelyn Atwood, photographe new-yorkaise dont le travail porte sur l’humain et la notion d’exclusion. En 2013, suite à une commande du Centre Méditerranéen de la Photographie, elle livre un reportage photographique intitulé Le Train du cœur, 21 images traitant de la ruralité corse à travers les paysages changeant au fil du rail, et les liens que ce moyen de transport crée entre ses usagers.
Un art contemporain en développement
Le Fonds Régional d’Art Contemporain de Corte, qui se mobilise régulièrement pour organiser des expositions et autres événements culturels, est l’institution la plus active de l’île en termes de création contemporaine. Dans un contexte où les artistes locaux sont souvent contraints de passer par le continent pour obtenir une reconnaissance institutionnelle, ce lieu joue un rôle important et donne accès à des programmes qualitatifs. En parallèle, des artistes jeunes et moins jeunes essayent de lancer des initiatives pour dynamiser ce territoire auquel ils sont attachés. C’est le cas d’Ange Leccia, artiste très inspiré par sa terre natale, dont le travail, transversal et poétique, emprunte à différents médias : cinéma, vidéo, photographie ou encore installation. Professeur aux Beaux-Arts de Cergy puis directeur du Pavillon (le laboratoire de création du Palais de Tokyo), son parcours est imprégné d’une dimension pédagogique. C’est donc pour permettre à des artistes étrangers de découvrir la beauté de ce territoire rural aussi bien que pour offrir aux jeunes Corses l’opportunité de créer et découvrir des œuvres de qualité que l’artiste a décidé de créer la Maison Conti, ancienne demeure familiale située dans le golfe de Saint-Florent.
Le street-art, une pratique de plus en plus reconnue
Loin des clichés, cet art riche attire une attention croissante de la part des visiteurs. Car partir à la découverte des pépites du street-art, c’est découvrir les villes sous un autre angle, en sortant des sentiers battus. Impossible néanmoins de répertorier avec précision des œuvres par nature éphémères. Mais depuis quelques années, cet art au départ perçu comme marginal est reconnu et promu par certaines municipalités qui développent des projets durables de grande envergure, plus facilement repérables.
C’est par exemple le cas de Bastia qui, à l’occasion de la troisième édition de Creazione, festival d’art populaire, de mode et de design, a mis à l’honneur ce nouveau mode d’expression. À mi-chemin entre cultures populaires contemporaines et tradition du muralisme latine, les street-artists locaux ont pris d’assaut les murs de la ville avec beaucoup d’enthousiasme. Cette initiative fait partie d’une politique plus large d’amélioration du cadre de vie urbain, cherchant à favoriser le vivre ensemble : car loin de dégrader le paysage, ces œuvres font vivre leurs quartiers en y ajoutant de la couleur. Elles invitent à découvrir la richesse patrimoniale de l’espace urbain, qui devient un support d’expression pour ses habitants. Parmi les artistes locaux les plus en vogue ayant participé au festival, il faut citer le collectif Graffink, composé de deux figures du street-art bastiais, Karmatheora et Soes.
À Ajaccio également, le street-art est mis à l’honneur avec un musée un peu spécial, sorte de galerie à ciel ouvert qui a pris forme en face du palais Lantivy, sur le cours Napoléon. Ce site anciennement à l’abandon occupe une place de choix, en face des jardins de la préfecture et du palais. La politique de rénovation lancée par les services municipaux a permis de faire place nette en laissant aux artistes un espace de 120 m² pour s’exprimer. L’idée est de créer un parcours en mobilisant d’autres espaces dans la cité impériale, comme, par exemple, la gare ferroviaire qui depuis 2015 a été investie par une quinzaine d’artistes (tout comme la gare de Bastia). Deux artistes clés de la scène ajaccienne sont à l’origine de ce projet : Vannina Van Schirin et Mako Deuza.
Vannina Van Schirin, restauratrice d’art le jour et street artiste la nuit, fille d’un journaliste célèbre et d’une princesse russe, est un personnage haut en couleur. Très impliquée dans la vie de la cité, ses œuvres portent souvent un message politique. Son ami Mako Deuza, graffeur autodidacte, l’accompagne dans ses aventures avec un style bien à lui. Ses fresques, qui représentent souvent des personnages, célèbres ou non, sont reconnaissables en un coup d’œil avec leur aspect réaliste voire hyperréaliste. On peut admirer son travail dans le cinéma de l’Ellipse d’Ajaccio ainsi que sur de nombreuses devantures.
Mais le street-art n’est pas l’apanage des grandes villes, puisqu’on retrouve par exemple les fresques pleines d’espérance d’Adrien Martinetti, non seulement à Ajaccio, mais aussi à Palneca, Calcatoggio, l'Île Rousse, Porto-Vecchio, Olivese, Conca ou encore Vescovato !