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L'école de Pont-Aven et ses héritiers

Au XIXe siècle, avec l'avènement du romantisme, la Bretagne devient un sujet d'intérêt pour les artistes. La région apparaît comme pittoresque et exotique, avec ses paysages sauvages et ses traditions bien préservées. Peintres et écrivains viennent en nombre y séjourner et la dépeindre, contribuant à forger l'image d'une terre baignée de folklore.
Chez les peintres, cet engouement se cristallise tout particulièrement dans une petite cité du Finistère sud : nichée au fond d'une ria, Pont-Aven voit d'abord affluer à partir des années 1860 nombre d'artistes américains, britanniques et polonais, qui viennent y passer l'été. Ils y trouvent un accueil chaleureux : les pensions sont abordables et de qualité, les ateliers et les modèles faciles à trouver. Mais c'est dans les années 1880 que Pont-Aven acquiert sa notoriété, avec la venue du célèbre Paul Gauguin, qui fédère autour de lui de jeunes peintres post-impressionnistes, tels que Paul Sérusier, Maxime Maufra ou Emile Bernard. Ensemble, ils forment l'école de Pont-Aven et élaborent un style nouveau, le synthétisme, marqué par l'emploi de couleurs fortes, en aplats, et une représentation détachée de la réalité pure, laissant la place à la perception du peintre. Aujourd'hui, le Musée de Pont-Aven s'attache à faire connaître les œuvres de cette école et de ses héritiers.
Pont-Aven et la Bretagne continueront d'attirer les artistes pendant plusieurs décennies, tels que le chef de file du fauvisme Henri Matisse ou l'expressionniste Bernard Buffet, ancré à Saint-Cast. La Bretagne a également joué un rôle important dans le renouvellement de la gravure, notamment avec Paul Gauguin et Emile Bernard. Puis Henri Rivière, amoureux des arts d'Extrême-Orient et de la Bretagne, où il passe tous ses étés, applique la technique japonaise de l'estampe en couleur à la peinture des paysages bretons. Il ouvre la voie au japonisme en Bretagne, qui se prête bien au style, avec ses décors d'une beauté fruste. Le japonisme connaîtra de belles heures avec Géo-Fourrier, Xavier Josso, René Quillivic, René-Yves Creston ou encore Mathurin Méheut. Figure majeure de la peinture bretonne, ce dernier, artiste prolifique fasciné par le Japon, s'est fait le témoin attentif de son époque : mobilisé pendant la Première Guerre mondiale, il a dessiné le quotidien dans les tranchées. Conscient des évolutions de la société traditionnelle, il s'est attaché à en laisser une trace, prenant pour sujets les travaux des champs, les activités portuaires, les petits artisans comme les goémoniers, sabotiers et autres brodeuses. Le musée qui lui est dédié, à Lamballe, mérite assurément une visite, tout comme celui consacré à son élève Yvonne Jean-Haffen, à Dinan.

Les Seiz Breur modernisent les traditions

Les années 1920 voient apparaître un courant artistique qui aura une grande influence sur la création bretonne. Initié par la graveuse Jeanne Malivel, le mouvement des Seiz Breur (les Sept frères, du nom d'un conte traditionnel) rassemble des créateurs qui entendent sortir l'art breton du folklore, pour le faire entrer dans la modernité. Ils combinent les techniques et les motifs traditionnels à l'esthétique contemporaine, géométrique et stylisée, inspirés par l'Art déco qui inonde alors l'Europe, mais aussi les Arts and crafts anglais et le Bauhaus allemand. Meubles, faïences, papiers peints, textiles, affiches, gravures et illustrations de livres... Ils officient surtout dans les arts décoratifs, ambitionnant de faire rentrer l'art dans les maisons et le quotidien.
Les Seiz Breur fédéreront une soixantaine de membres, dont les plus illustres représentants sont le peintre et graveur René-Yves Creston, principal animateur du mouvement, l'ébéniste Joseph Savina, le peintre Xavier de Langlais... Pendant la Seconde Guerre mondiale, certains membres ou proches des Seiz Breur cèdent aux sirènes nationalistes. Le mouvement est dissous en 1947, mais laissera une empreinte durable.

Clichés bretons

Au XIXe siècle, la pittoresque Bretagne apparaît comme un terrain de jeu idéal pour pratiquer l'art émergent de la photographie. De nombreux photographes de tous horizons viennent saisir ses coiffes et ses costumes traditionnels, ses pardons, ses paysages tourmentés. Avec les écrivains et les peintres, ils contribuent à forger l'image d'une Bretagne archaïque, pétrie de traditions.
Ces images, très populaires, sont les ancêtres de la carte postale, qui connaît son âge d'or au tout début du XXe siècle. Destination touristique en vogue, la Bretagne fait l'objet de nombreuses cartes, petits reflets de leur époque figurant les scènes du quotidien, les grandes fêtes, les gares, les événements d'actualité... Pour en savoir plus, rendez-vous au musée du Carton voyageur, à Baud, qui détient une passionnante collection de 120 000 cartes postales.
Parallèlement, dès les années 1850, les portraitistes ouvrent des studios dans toutes les villes de la région et jusque dans les plus petits villages au début du XXe siècle. Parmi ces photographes de campagne, une femme s'illustre : initiée à la photo à Paris, où elle était partie travailler avant de revenir sur ses terres natales, Yvonne Kerdudo a sillonné le Trégor rural sur son vélo pendant toute la première moitié du XXe siècle, pour saisir les fêtes de famille, les bals, les travaux agricoles... « Madame Yvonne » a laissé plusieurs milliers de plaques de verre, trésors de patrimoine populaire, récemment redécouverts et valorisés par la compagnie Papier Théâtre.
Au XXe siècle, de grands photographes posent leur regard sur la région, sans folklore : on peut citer Guy Le Querrec et Michel Thersiquel, tous deux nés dans les années 1940. Le premier a signé de nombreux reportages à l'étranger pour la prestigieuse agence Magnum. Mais cet enfant de l'émigration bretonne est aussi revenu régulièrement dans sa région d'origine, laissant des milliers de clichés pris sur le vif, à hauteur d'homme, qui racontent les mutations de la Bretagne d'après-guerre : le monde agricole et les débuts de la mécanisation, les pardons, les mariages, l'apparition des bikinis sur les plages... Michel Thersiquel, lui, a su plonger à travers ses reportages dans le quotidien des pêcheurs, des îliens, des paysans, des bigoudens... Son fonds est conservé au Port-musée de Douarnenez.
Aujourd'hui, la Bretagne offre de belles expériences photographiques, à travers divers lieux et événements. Installé dans l'ancienne prison de Guingamp, le centre d'art GwinZegal propose des expos de grande qualité. A Lorient, la galerie du Lieu et ses Rencontres photographiques, tous les deux ans, sont incontournables. Tout comme l'Imagerie, à Lannion. Tous les étés, La Gacilly accueille dans ses rues et ses jardins des reportages réalisés à travers le monde, sur des thématiques sociétales ou environnementales. La région compte plusieurs autres manifestations, telles que le Photofestival, en baie de Saint-Brieuc, Vannes photos festival, Escales photos dans le Morbihan ou encore Pluie d'images à Brest.

Le street-art à la conquête des murs

Les amateurs de street-art en trouveront de beaux exemples dans la région. A Rennes d'abord : la capitale bretonne est devenue un haut lieu de l'art urbain. Parmi les plus belles œuvres, celles de War !, surnommé le Banksy rennais en raison de son anonymat. Ses fresques animalières distillent un vent sauvage et poétique au cœur de la ville. Brest s'est également imposée dans le paysage du street-art, notamment à travers des projets comme « Crimes of minds » et « Les murs prennent la parole », qui ont laissé de nombreuses fresques, souvent sur le thème de la mer. Les murs de Saint-Brieuc ont également pris des couleurs ces dernières années, notamment grâce au festival de street-art Just do paint (aujourd'hui disparu) et au projet Robien les murs. Au port du Légué, le hangar des pêcheurs, quai Surcouf, fait office de galerie à ciel ouvert. De nombreuses autres villes, telles que Vannes, Lorient, Redon, Morlaix ou Saint-Malo, abritent des œuvres murales. Pour en faciliter la découverte, des cartes et des parcours, voire des visites guidées, sont bien souvent proposés.

Les repaires de la création contemporaine

Aujourd'hui, la Bretagne est une terre de création dynamique, forte de multiples lieux et événements. Notamment à Rennes, qui compte deux centres d'art contemporain, 40mcube et La Criée. La capitale bretonne accueille aussi des expositions de la collection Pinault, la plus grande collection d'art contemporain au monde. C'est également ici que se trouve le Fonds régional d'art contemporain (Frac), qui organise des expositions ambitieuses, dans et hors les murs.
A l'autre bout de la région, en plein cœur de Brest, le centre d'art contemporain la Passerelle occupe un ancien entrepôt. La ville voisine de Landerneau héberge, dans un ancien couvent, le Fonds Hélène et Édouard Leclerc pour la culture, qui organise chaque année des expositions d'envergure, consacrées à Picasso, Miro ou encore Chagall.
Le centre-Bretagne n'est pas en reste : chaque été, depuis 1992, « L'art dans les chapelles » invite des artistes nationaux et internationaux à créer des œuvres inédites, in situ, dans une dizaine de chapelles de la vallée du Blavet. Non loin, le domaine de Kerguéhennec abrite des expositions et un parc de sculptures parmi les plus importants d’Europe. Il compte également un espace dédié à Pierre Tal Coat, peintre majeur du XXe siècle.
On peut encore citer la galerie Raymond-Hains à Saint-Brieuc, l'ancienne Ecole des filles à Huelgoat, transformée en espace d'art et de débats, l'atelier d'Estienne dans la petite commune de Pont-Scorff... La Bretagne compte enfin plusieurs musées des Beaux-arts, à Rennes, Quimper, Vannes et Brest, où la création contemporaine côtoie des œuvres plus anciennes.