Début du VIIe siècle

Fondation de la ville

L’histoire de Dubrovnik commence… à Cavtat. C’est en effet dans cette ville du Konavle, fondée par les Grecs et tombée ensuite aux mains des Romains, que se trouve le lieu d’origine des premiers habitants de Dubrovnik. Au début du VIIe siècle, la population de Cavtat (connue alors sous le nom d’Épidaure) fuit les invasions des Avars et se réfugie sur le promontoire rocheux de Laus, un îlot séparé de la terre ferme. Ici, les réfugiés édifient une ville qu’ils nomment Ragusium et qu’ils placent sous la protection de Constantinople. Cette histoire n’a pas complètement disparu aujourd’hui : en italien, Cavtat se dit toujours « Ragusa Vecchia », ou Vieille Raguse !

XIIe siècle

Raguse s’unit à sa voisine d’en face : Dubrava (dont le nom renvoie aux forêts de chênes abondantes à l’époque dans la région), peuplée par des Slaves. Le minuscule bras de mer qui séparait Dubrava de Raguse est alors comblé, il donnera la rue principale de Dubrovnik : le Stradun.

1204

Sous la tutelle de Venise

Lors de la quatrième croisade, Venise prend le contrôle de Constantinople, ce qui met Dubrovnik à la merci de la Sérénissime. Raguse finit par lui appartenir : le doge place une figure de son choix au poste du recteur (knez), le chef de la ville mentionné pour la première fois en 1181 et qui réside dans le palais du Recteur. Dubrovnik devient ainsi une cité-État élaborée sur le modèle vénitien. La régulation en termes de développement urbain et d’hygiène imposée par Venise (en 1272 notamment) sera conservée par la République de Raguse. Le commerce continue à fleurir et Venise se sert du port de Dubrovnik comme sa base dans l’Adriatique méridionale.

XIVe siècle

La première moitié du XIVe siècle est marquée par l’expansion territoriale de Dubrovnik. Toujours sous la tutelle de Venise, la cité entre en possession de l’île de Lastovo au début du siècle. En 1333, elle obtient une concession sur la localité de Ston (presqu’île de Pelješac), lui donnant accès aux précieuses salines. Puis Dubrovnik achète au roi de Bosnie une partie de la presqu’île de Pelješac et récupère également l’île de Mljet.

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1348

La peste noire

Comme ailleurs en Europe, l’épidémie de la peste frappe aussi Raguse, causant la mort de la moitié de la population. La peste revient à plusieurs reprises durant le Moyen Âge et la Renaissance, et la ville prend des mesures. En 1377, Dubrovnik impose le confinement et l’isolement des navires suspects pendant trente jours. C’est l’un des tout premiers exemples de « quarantaine ». À la fin du XVIe siècle, les Lazareti sont construits près de la porte de Ploče.

1358

Le début de la République

La paix de Zadar marque la fin de la souveraineté vénitienne à Dubrovnik. La ville accepte de faire partie du royaume hungaro-croate en l’échange de quelques menues concessions (tribut annuel de 500 ducats, hommage rendu au roi et drapeau de la monarchie au vent lors de la venue du monarque…), mais elle garde un pouvoir autonome. Raguse put de nouveau élire son recteur et prospérer comme jamais auparavant attirant ainsi de nombreuses populations : Grecs, Juifs, Allemands, Catalans, Italiens… tous furent tolérés et parvinrent même à se hisser jusqu’aux arcanes du pouvoir local. C’est le début de la République de Raguse qui survivra plus de trois siècles, jusqu’à l’arrivée des troupes napoléoniennes en 1806.

Début du XVe siècle

Grâce à une maîtrise parfaite de la diplomatie et un savant jeu de balancier, Raguse étendit encore davantage sa zone d’influence. Elle acquit le reste de Pelješac (Primorje) en 1399 et en 1426, une grande partie du Konavle (dont la ville de Cavtat) lui revint. Elle signe de nombreux traités pour se protéger de Venise avec les villes d’Ancône, Ravenne et Pise. Au XVe siècle, la muraille de Ston est aussi achevée en protection des marais salants. Charles VIII accorde à Raguse le droit de commercer dans les ports français, ce qui initie le début d’une relation privilégiée entre le royaume de France et la cité de Dubrovnik. De nombreux Ragusains sont envoyés en France, nombre d’entre eux s’illustrent à la Sorbonne.

Muraille de Ston © FG Trade - iStockphoto.com.jpg

1481

Avec les Ottomans

Alors que les puissances environnantes succombent une à une à l’avancée ottomane vers l’ouest, Dubrovnik se fait allié de la Sublime Porte. Plusieurs traités sont signés en 1430, 1458 puis 1481, garantissant à la ville la protection du sultan et le droit de commercer sur le territoire turc. En échange, Raguse paie un tribut annuel de 12 500 ducats et conserve une position neutre lors des conflits opposant la chrétienté et l’Empire ottoman, ce qui lui permet de commercer des deux côtés.

Marin Držić (1508-1567)

Enfant terrible et génial de la République de Raguse, Marin Držić est considéré l’un des auteurs majeurs en langue croate de la Renaissance. Né à Dubrovnik à deux pas du palais du Recteur, le jeune Držić reçoit une éducation religieuse et est ordonné prêtre à l’âge de 18 ans. Bénéficiaire d’une bourse du Sénat ragusain, il est envoyé en 1538 en Italie pour étudier le droit canon, mais il se fait tout de suite remarquer pour son tempérament jovial et extraverti. Très populaire parmi les étudiants, il est élu recteur adjoint de l’université de Sienne et finit par être sanctionné pour avoir joué dans une comédie contraire à la morale et à l’ordre public. Très endetté, il rentre à Dubrovnik en 1545 sans avoir terminé ses études. À partir de 1548, après des voyages à Vienne, Constantinople et Venise, Marin Držić commence à écrire ses pièces théâtrales : Tirena, Vénus et Adonis, Dundo Maroje, Novela od Stanca ou encore Tripče de Utolče figurent parmi les œuvres qui ont survécu jusqu’à nos jours. Elles racontent la société ragusaine dans son quotidien, dénonçant souvent les injustices sociales. En 1562, d’ailleurs, Držić quitte à nouveau Raguse, lassé par l’administration locale. Il s’installe à Venise et il essaie même d’organiser – à distance – un coup d’État dans sa ville natale, mais il n’y parvient pas. Il meurt en 1567 et il est enterré dans la basilique de Saint-Jean-et-Saint-Paul à Venise, où l'Académie croate des sciences et des arts de Zagreb a fait poser en 1972 une plaque en son honneur.

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Entre les XVe et XVIe siècles

L’âge d’or

Protégée par les Ottomans et libre de commercer avec tout le monde, Dubrovnik connaît son âge d’or. Sa flotte est la troisième au monde et la prospérité de la cité est assurée par sa richesse en argent (mines serbes et bosniennes), en sel (Ston) et par ses nombreuses possessions territoriales. Raguse maîtrise sans faille l’art naval et la diplomatie et ouvre de nombreux consulats à l’étranger. La Renaissance fleurit à l’ombre des remparts, les grandes familles de la noblesse se font alors mécènes : poètes, savants, architectes, peintres et sculpteurs renommés transforment la cité en perle de l’Adriatique. La langue croate acquit ses lettres de noblesse. L’école de Raguse (courant artistique) n’a alors rien à envier à ses équivalents florentin ou vénitien. Raguse donne naissance à des génies tels que Marin Držić (le Shakespeare croate), et plus tard à Ivan Gundulić ou encore à Ruđer Bošković (scientifique qui dirigea l’optique de la Marine de Paris à la fin du XVIIIe siècle).

1667

Tremblement de terre

Le séisme qui détruit les trois quarts de la ville – sans affecter les remparts – et emporte près de la moitié de la population de la cité (4 000 âmes) marque un tournant historique. La ville est reconstruite dans un style baroque épuré, c’en est fini des extravagances. L’essor du commerce atlantique porte un coup aux finances de la République de Raguse : la route des épices lui échappe. Tout comme sa grande rivale, la République de Venise, Dubrovnik vit au XVIIe siècle le début d’un lent déclin.

1699

Traité de Karlowitz

Signé à Sremski Karlovci, aujourd’hui en Serbie, ce traité marque le début du recul de l’Empire ottoman en Europe orientale. En Dalmatie, la République de Venise obtient de nouveaux territoires, mais les diplomates de Raguse insistent pour qu’il n’y ait pas de frontière commune entre la cité-État et la Sérénissime. Le port de Neum est ainsi attribué aux Ottomans. Cette langue de terre appartient désormais à la Bosnie-Herzégovine et coupe en deux le territoire croate (c’est justement pour contourner ce territoire que la Croatie a inauguré en 2021 le pont de Pelješac).

1806

La fin de la République

L’arrivée à Dubrovnik des troupes de Napoléon marque la fin de la République de Raguse, même si celle-ci est officiellement proclamée deux ans plus tard. La région de Dubrovnik est alors rattachée aux Provinces illyriennes et en 1815, suite au congrès de Vienne, la ville intègre l’Empire austro-hongrois. Son avenir est désormais lié à celui de la Croatie dont elle fait pleinement partie.

XIXe siècle

L’effervescence nationaliste qui conquiert la Croatie se ressent aussi à Dubrovnik. Alors qu’à Zagreb Josip Jelačić (1801-1859) promulgue le premier programme politique croate, demandant entre autres à Vienne l’abolition du régime féodal, l’unification des régions croates et l’élection d’une assemblée représentative, à Raguse le panorama politique est divisé entre ceux qui sont favorables à la constitution d’un État croate et les autonomistes qui mettent l’accent sur la parenté avec l’Italie.

1914-1918

La Première Guerre mondiale bouleverse la carte de l’Europe, et notamment l’organisation étatique de la péninsule balkanique. L’Empire austro-hongrois est démantelé et les peuples slaves du Sud se regroupent dans le nouveau royaume des Serbes, Croates et Slovènes. La Diète croate n’existe plus, et la Croatie perd son identité étatique. En 1929, le roi Alexandre Karađorđević proclame la Yougoslavie. C’est le début d’une période de dictature qui s’accompagne d’une intensification de la répression.

1941

La Yougoslavie est démantelée au cours du printemps 1941 et subit l’invasion des troupes allemandes, italiennes, hongroises et bulgares. Ante Pavelić, le leader des oustachis (littéralement les insurgés, le mouvement fasciste croate) soutenu par les Italiens, devient le chef de l’État indépendant de Croatie (NDH), un État fantoche allié des nazis et des fascistes. À quelques territoires près, la Dalmatie centrale devient italienne, mais Dubrovnik, tout comme la Dalmatie méridionale, est assigné au NDH.

1945

La victoire de Tito

Commencée en 1941, la résistance s’impose trois ans plus tard. Belgrade est libéré en novembre 1944, Zagreb en mai 1945. Le maréchal Tito, secrétaire du Parti communiste depuis 1937 et leader des partisans, prend la tête du gouvernement en mars 1945. Le 29 novembre, l’Assemblée constituante tout juste élue proclame la république avec Tito comme président. Une fédération de six républiques (Slovénie, Croatie, Serbie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro et Macédoine) et de deux régions autonomes (Kosovo et Voïvodine) est constituée. Dubrovnik revient à la république socialiste de Croatie.

2e moitié du XXe siècle

Au sein de la Yougoslavie

La rupture avec l’Union soviétique en 1948 porte la Yougoslavie de Tito sur un nouveau chemin. Si l’État demeure un régime totalitaire et à parti unique, l’autogestion, la décentralisation économique et l’assouplissement de la collectivisation et de la planification deviennent les mots clés du titisme. Le Mouvement des non-alignés est lancé en 1961 à Belgrade, faisant de la Yougoslavie un acteur de premier plan sur la scène internationale. Dix ans plus tard, le « printemps croate » appelle à plus de liberté et plus d’autonomie en Croatie, mais il est réprimé dans le sang. L’économie ralentit durant les années 1970 et quand Tito meurt en 1980, le pays est victime des nationalistes. Le Red History Museum de Dubrovnik retrace l’histoire mouvementée de la Yougoslavie.

1er octobre 1991

Le siège de Dubrovnik

Après la victoire de l’Union démocratique croate (HDZ) de Franjo Tuđman aux premières élections pluripartites en Croatie en 1990 et après la victoire du « oui » au référendum d’indépendance en mai 1991, la guerre éclate en Yougoslavie. À Dubrovnik, le siège commence le 1er octobre 1991 avec l’invasion du Konavle par l’armée yougoslave, la JNA. À l’époque, les autorités du Monténégro et la Serbie faisaient circuler le message que Dubrovnik était armé jusqu’aux dents et que 30 000 oustachis (les fascistes croates), aidés de mercenaires turcs, menaçaient d’envahir la région de Kotor. En réalité Dubrovnik et ses environs étaient très faiblement militarisés depuis plus de trente ans et donc particulièrement vulnérables. Alors que la population se réfugie massivement dans les hôtels de Lapad et Babin Kuk, la vieille ville est frappée par les bombardements depuis le sommet du mont Srđ. Le palais Sponza, l’église jésuite, la tour de l’horloge sont touchés. Le 30 octobre, la JNA reprend ses tirs, la vieille ville est à nouveau endommagée (et un civil tué), et vise aussi les complexes hôteliers de l’ouest de la ville. Le 9 novembre, Lapad, Gruž et le fort impérial de Srđ sont bombardés. Le 19 novembre, le plan Kouchner pour Dubrovnik requiert l’arrêt de l’avancement de la JNA à Mokošica. Le 6 décembre, les bombardements de la Saint-Nicolas, visant la vieille ville, sont les plus intenses. Il faudra attendre janvier 1992 pour qu’un cessez-le-feu négocié en partie par les Nations unies entre en vigueur et plusieurs mois pour que les localités de la région soient entièrement libérées. Le siège de Dubrovnik aura provoqué la mort d’une centaine de civils et la destruction (partielle) de près de 70 % des édifices de la vieille ville, sans parler des hôtels en ruine…

1995

La paix

La signature des accords de Dayton le 14 décembre 1995 marque la fin des hostilités en Croatie et en Bosnie-Herzégovine (au Kosovo le conflit se poursuit jusqu’en 1999). La libération du territoire croate, entamée au cours de l’été 1995, dure jusqu’au début de 1998. Alors que le leader serbe Slobodan Milošević est inculpé pour crimes contre l’humanité par le Tribunal pénal international, le premier président croate Franjo Tuđman meurt d’un cancer le 12 décembre 1999.

2000

Stjepan Mesić, leader de l’opposition, est élu président de la République de Croatie en février 2000, remplaçant Tuđman. Les élections législatives voient la victoire de la coalition d’opposition rassemblant six partis autour du Parti social-démocrate (SPD). L’équipe de Mesić axe son programme sur l’intégration de la Croatie au sein de l’Union européenne. Stjepan Mesić est reconduit dans ses fonctions de président lors des élections de 2005.

2010

Ivo Josipović devient le troisième président de la Croatie indépendante. Ivo Sanader, à la tête du HDZ, est nommé Premier ministre en 2003, après la défaite des sociaux-démocrates aux élections législatives. Après la démission de Sanader en 2009, le Premier ministre de la Croatie est, pour la première fois dans son histoire, une femme, Jadranka Kosor. Mais aux élections anticipées de 2011, les socialistes du SDP reviennent au pouvoir et Zoran Milanović est élu Premier ministre.

2013

Entrée dans l’Union européenne

Suite à un référendum positif à 66 % en Croatie (en janvier 2012), le pays est devenu le 28e membre de l’UE au 1er juillet 2013. Aujourd’hui, la Croatie poursuit les négociations en vue de l’adhésion à l’espace Schengen et à la zone euro.

2015

Kolinda Grabar-Kitarović est élue présidente de la République, marquant le retour du HDZ. Les élections législatives sont aussi remportées par les conservateurs, qui s’imposent à plusieurs reprises. En 2016, l’ancien eurodéputé du HDZ Andrej Plenković devient Premier ministre. Il remporte un nouveau mandat en 2020.

Juillet 2021

La construction du pont de Pelješac est terminée. La nouvelle infrastructure relie la région de Dubrovnik au reste du littoral croate, tout en contournant le territoire bosnien de Neum.

Construction du pont de Pelješac © Marin Bodulusic - Shutterstock.Com.jpg